SlideShare a Scribd company logo
1 of 6
Download to read offline
LETTRE DE PROSPECTIVE
                                                                                                                       JUIN 2009 - NUMERO 16


                      Devenir le territoire
                 le plus innovant du monde ?


L     ors du Conseil européen de Lisbonne de mars 2000, les dirigeants de l’Union européenne avaient adopté un
      programme fixant « un nouvel objectif stratégique pour les 10 prochaines années : devenir l’économie de la
      connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique
durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion
sociale ». Neuf ans après, le bilan est en demi-teinte et l’on parle déjà d’un plan Lisbonne plus. Le rapport Cohen
Tanugi en 2007 1 concluait que les objectifs étaient pertinents et devaient être poursuivis, mais que l’Europe n’a-
vait pas rattrapé son retard par rapport aux États-Unis et qu’elle subissait la concurrence de certains pays émer-
gents. En effet, partout à travers le monde, les États misent sur les territoires innovants et l’intelligence. Le monde
entier est désormais sur cette stratégie de métissage entre industrie, recherche, entreprises et territoires et c’est
très certainement là que va se jouer la compétition mondiale des prochaines années. Dans ce contexte, quels
sont les atouts de la France dans cette course mondiale aux territoires innovants ?

A ce jour, la France apparaît plutôt en retrait, alors que les différents responsables politiques nationaux n’ont eu
de cesse d’affirmer, depuis une décennie, leur volonté de faire de la France un territoire innovant 2. Cette volonté
conduit à se poser les questions suivantes : existe-t-il un modèle unique de territoire innovant ? Quelle voie suivre
pour la France ?

Par Hélène PERRIN BOULONNE
        hperrinboulonne@ccip.fr


                                           Existe-t-il un modèle de territoire innovant ?

                                          Divers exemples, qu’ils soient                                financement de start-up et sur une
                                          mondialement reconnus comme des                               population importante de business
                                          territoires innovants ou qu’ils se situent                    angels. Les investissements portent sur
                                          dans des pays émergents, suggèrent                            des projets risqués, il n’y a pas de
                                          des caractéristiques très différentes.                        place pour des projets sans ambition.
                                                                                                        Les entrepreneurs disent ainsi qu’il est
                                          La Bay Area                                                   plus facile de lever 300 000 dollars que
                                          ou l’économie schumpétérienne                                 15 000 dollars dans la Silicon Valley.
1. La Place de l’Europe dans la                                                                         Pour leur part, les investisseurs accep-
mondialisation.                           L’exemple « mythique » de la Bay Area                         tent de ne gagner que sur quelques
2. Ainsi, par exemple, la décla-          (ou Silicon Valley) 3 tire sa particularité                   projets mais de gagner beaucoup sur
ration récente du Président de
la République à propos du                 de sa capacité à fabriquer des start-                         ceux-là : les risques sont ainsi mutuali-
plateau de Saclay : « Je vou-             ups et à faire émerger régulièrement                          sés (risk sharing).
drais que l’on crée une vérita-           de grands succès mondiaux. Ce sys-
ble Silicon Valley sur le plateau         tème repose sur une forte concentra-                          La bay area est en quelque sorte
de Saclay ».
3. La Silicon Valley n’étant              tion de connaissance et de capital hu-                        l’exemple appliqué de l’économie
qu’une partie de la Région qui            main, sur la présence d’entreprises qui                       schumpetérienne avec une circulation
s’étend tout au tour de la baie           offrent des services avancés aux por-                         permanente des capitaux et des per-
de San Francisco appelée                  teurs de projets, sur l’existence d’insti-                    sonnes, une présence d’investisseurs
communément Bay Area par
les Américains.                           tutions financières spécialisées dans le                      capables de prendre des risques, d’en-



Une lettre de la Direction générale adjointe chargée des Études, de la Prospective et de l’Innovation
Directeur de la publication : Pierre TROUILLET
Rédacteur en chef : Jean-Luc BIACABE
Mise en page : Bénédicte MARTIN
Contact : bmartin@ccip.fr
Avertissement : Les opinions exprimées dans le présent document sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les vues de la CCIP.
treprises de croissance et de grandes         le living lab de l’Europe, voire du
                                     universités. En revanche, on ne fabri-        monde qui repose sur plusieurs pi-
                                     que rien dans la Silicon Valley, les          liers : acceptation du partage de la
                                     coûts salariaux y sont extrêmement            connaissance, forte réactivité des insti-
                                     élevés et il n’y a pas de capacité indus-     tutions, acceptation du principe d’expé-
                                     trielle. Le développement des produits        rimentation.
                                     se fait ailleurs et pas nécessairement
                                     aux Etats-Unis.                               Ce rapide survol de deux territoires
                                                                                   parmi les plus innovants au monde
                                     Ce système n’est pas un mode de               montre qu’il n’existe pas un modèle
                                     croissance linéaire. Depuis les années        unique. Dans la bay area,
                                     1950, le territoire a connu plusieurs         l’intervention de l’Etat s’est faite princi-
                                     crises violentes. Aujourd’hui, il connaît     palement via l’investissement dans de
                                     une nouvelle période difficile : entre        gigantesques programmes de recher-
                                     août 2008 et janvier 2009, le taux de         che (notamment militaire) confiés aux
                                     chômage est passé de 7,7 % à 9,3 %            entreprises de la région, alors qu’en
                                     et selon le cabinet Joint Venture Silicon     Finlande, l’intervention publique s’est
                                     Valley Network, les levés de fonds            faite par la mise en place d’un environ-
                                     auraient chuté de 7,7 % en 2008. Pour-        nement favorable.
                                     tant, la bay area pourrait de nouveau
                                     rebondir après une crise majeure. En          Pays émergents : des pratiques
                                     investissant massivement dans les             adaptées aux besoins locaux
                                     clean tech, elle pourrait bénéficier des
                                     milliards de dollars que le nouveau           De nombreux pays émergents déve-
                                     gouvernement américain compte y               loppent également leur politique en
                                     consacrer.                                    matière de territoire innovant. Le Brésil
                                                                                   a, par exemple, choisi un modèle de
                                     Helsinki : le living lab du monde 4           SPL (système productif local) 6. Le
                                                                                   système se fonde sur une base territo-
                                     Le living lab est défini comme :              riale précise, avec un nombre impor-
                                     « une méthode de recherche pour               tant de petites et très petites entrepri-
                                     percevoir, prototyper, valider et raffiner    ses et des priorités en matière de
                                     des solutions complexes dans un               formation professionnelle, de diffusion
                                     contexte évolutif de vie réelle à dimen-      de la connaissance technologique, de
                                     sions multiples » 5. Helsinki est un terri-   design et de marché. Le pays a cons-
                                     toire impliqué dans le développement          truit sa politique en fonction des réali-
                                     de l’innovation basée sur la capacité à       tés de son territoire, le défi majeur
                                     expérimenter les usages dans les              étant de toucher toutes les régions. Il
                                     conditions réelles. Les utilisateurs sont     ne s’agit donc pas de développer quel-
                                     intégrés dans les processus de R&D,           ques grands pôles autour des agglo-
                                     d’innovation et d’expérimentation dans        mérations et de laisser derrière le reste
                                     les conditions du réel formant ainsi un       du pays.
                                     système de co-création pour les nou-
                                     veaux produits, services et infrastructu-     L’Afrique du Sud investit, pour sa part,
                                     res. La capitale finlandaise est un terri-    le modèle des living lab en l’adaptant
                                     toire qui rassemble l’ensemble des par-       aux problématiques du pays
                                     ties prenantes qui font la réussite d’un      "Encourager l'innovation pour l'homme
                                     living lab : prescripteurs, concepteurs,      de la rue par l'homme de la rue". A la
                                     développeurs et utilisateurs ; ce qui         différence du modèle finlandais, les
                                     inclut le secteur public, les entreprises,    Living Lab sud-africains privilégient la
                                     les scientifiques, les universités et les     recherche et l'innovation qui satisfont
                                     utilisateurs finaux (particuliers et entre-   le plus immédiatement aux besoins
4. http://www.helsinkilivinglab.fr   prises). Les entreprises, qu’elles soient     des communautés. Il existe de nom-
5. Définition du concept par le
professeur W.J Mitchell du MIT       finlandaises ou non, trouvent ainsi un        breux living lab à travers le pays avec
Media Lab and School of archi-       environnement qui permet d’utiliser la        chacun leur spécialité : entreprenariat
tecture                              vie réelle pour mettre au point et tester     rural, connexion des écoles et des cli-
6. Le Brésil compte aujourd’hui      leurs innovations. Helsinki, grâce à une      niques à Internet, service mobile, dé-
200 SPL répartis sur l’ensem-
ble de son territoire.               volonté politique forte, a développé          veloppement économique des commu-
7. http://www.atelier.fr/            depuis 10 ans un living lab qui explique      nautés, télémédecine et systèmes de
institutions/10/24032009/            en grande partie les bons résultats           soins dans les zones rurales 7.
afrique-du-sud-living-lab-           économiques de la Finlande et qui a
communaute-partage-
echange-wimax-e-commerce-            permis le développement de leader             Si chaque pays choisit son propre
e-gouvernement--38016-.html          mondiaux. Elle s’est imposée comme            mode de développement, il existe




                                                                  2
néanmoins une caractéristique com-                   compétition mondiale. Dans cette
                                 mune à tous ces territoires innovants :              course mondiale à l’intelligence et à
                                 la capacité à valoriser l’intelligence               l’innovation, les pôles de compétitivité
                                 existante. Les pays émergents pour-                  qui sont la politique phare de la France
                                 ront faire le choix de privilégier le déve-          en la matière, n’ont donc rien de pré-
                                 loppement local, quand des pays                      curseurs et ne font que s’inscrire dans
                                 comme les Etats-Unis, la Finlande ou                 une tendance mondialement partagée
                                 encore la Chine feront le choix de la                qui est de lier innovation et territoire.


                                 Quelle voie pour la France ?

                                 Il faut maintenant s’interroger sur les              vre, au travers de sa politique d’innova-
                                 atouts de la France dans cette course                tion, un objectif de compétitivité mon-
                                 mondiale aux territoires innovants. Les              diale et non un objectif d’aménage-
                                 premiers bilans tirés des pôles de com-              ment du territoire. Certains regrettent,
                                 pétitivité sont mitigés : la démarche                tel Jean Pierre Raffarin ancien Premier
                                 semble hésiter entre objectif d’aména-               Ministre, que les pôles aient du mal à
                                 gement du territoire et objectif de com-             dépasser leurs limites géographiques
                                 pétitivité, ce qui a conduit à un saupou-            et administratives et considèrent qu’ils
                                 drage inefficace, mais elle a incontes-              ne devraient « pas être prisonniers des
                                 tablement créé une dynamique et favo-                territoires » 9.
                                 risé des contacts entre des acteurs qui
                                 s’ignoraient.                                        En termes d’intensité des dépenses en
                                                                                      R&D par rapport au PIB, la France se
                                 Avec un montant de 37,9 milliards                    classe seulement au 10ème rang mon-
                                 d’euros 8 de dépenses intérieures de                 dial avec 2,3 % du PIB, ce qui est infé-
                                 recherche et développement, qui la                   rieur à l’objectif de 3 % de la stratégie
                                 situe au 4ème rang des pays de l’OCDE                de Lisbonne et même en légère baisse
                                 en volume, la France devrait poursui-                sur une période de 10 ans.

                                                          Intensité de l’effort global de R&D (dird/pib)

                                                    % du pib                                             3,5% - Finlande
                                       3,5
                                       3,3                                                               3,4% - Japon
                                                                                                         3,2% - Corée
                                       3,1
                                       2,9
                                                                                                        2,7% - Etats-Unis
                                       2,7
                                       2,5                                                               2,5% - Allemagne

                                       2,3
                                       2,1                                                               2,1% - France

                                       1,9
                                                                                                         1,8% - Royaume-Uni
                                       1,7
                                       1,5
                                             1995       1997    1999      2001       2003      2005      2007


                                 Source : OCDE - Main Science and Technology Indicators - Extraction mars 2009



                                 C’est principalement en matière de                   70 % des dépenses de R&D sont effec-
8. 2006, Source : Ministère de   dépenses de R&D dans les entreprises                 tuées par les entreprises, ce chiffre
l’enseignement supérieur et de
la recherche
                                 que la France est mal positionnée,                   atteignant même 80 % en Corée, alors
9. La Tribune 21 mars 2009 -     avec un niveau très inférieur à ce que               qu’en France, l’intensité de R&D des
Les pôles de compétitivité se    l’on peut observer dans d’autres pays                entreprises ne représentent que 60 %
cherchent encore                 de l’OCDE. Dans tous les pays, plus de               du total. Cette relative faiblesse de




                                                                3
l’effort de recherche des entreprises                à nos principaux concurrents, un déficit
                                françaises s’illustre également par la               de chercheurs dans les entreprises :
                                part des chercheurs en entreprises. Le               aux Etats-Unis, 80 % des chercheurs
                                nombre de chercheurs est relativement                sont dans les entreprises contre un peu
                                élevé en France du fait de la recherche              plus de la moitié en France.
                                publique, mais on observe, par rapport

                                               Intensité de l’effort global de R&D des entreprises (dirde/pib)

                                          % du pib                                                   2,6% - Japon
                                       2,6
                                                                                                      2,5% - Corée
                                       2,4                                                            2,5% - Finlande

                                       2,2

                                       2,0
                                                                                                       1,9% - Etats-Unis
                                       1,8                                                             1,8% - Allemagne
                                       1,6

                                       1,4
                                                                                                       1,3% - France
                                       1,2
                                                                                                       1,1% - Royaume-Uni
                                       1,0
                                             1995    1997      1999      2001      2003      2005     2007


                                     Source : OCDE - Main Science and Technology Indicators - Extraction mars 2009


                                                     Chercheurs en entreprises en % du total national

                                  Etats-Unis                                                                                 79%
                                Corée du sud                                                                                77%
                                      Suède                                                                         68%
                                       Japon                                                                        68%
                                  Allemagne                                                                   61%
                                Royaume-Uni                                                           56%
                                      France                                                        53%

                                               0%               20%                 40%                60%                 80%


                                Source : OCDE - Main Science and Technology Indicators - Extraction Mars 09



                                Ce déficit de R&D dans les entreprises               PME à trouver leur place dans les pôles
                                serait particulièrement sensible dans                de compétitivité. P. Veltz, dans La
                                les petites et moyennes entreprises,                 grande transition 11, note ainsi « la
                                sans que les chiffres disponibles ne                 grande difficulté expérimentée par les
                                permettent de le mesurer réellement.                 PME pour entrer vraiment dans le jeu et
                                Un récent rapport du CAE 10 émet                     les risques d’une nouvelle capture de
                                l’hypothèse que les PME françaises, et               cette politique par les grands groupes ».
                                plus particulièrement les PME indépen-
                                dantes, seraient caractérisées par un                Même si ce constat mérite d’être atté-
                                sous-investissement en R&D. Cette hy-                nué au regard du succès rencontré par
10. G. Chertok, P.A de Malle-
ray, P. Pouletty, Le Finance-
                                pothèse est sans doute à rapprocher                  les récentes mesures en faveur du cré-
ment des PME, CAE mars          des difficultés des PME françaises à                 dit impôt-recherche, il n’en reste pas
2009.                           grandir, constat aujourd’hui largement               moins que la France semble disposer
11. Pierre Veltz, La grande     partagé. Ceci se traduirait également                d’un potentiel de recherche qui
transition, La France dans le
monde qui vient (Seuil 2008).
                                par les difficultés rencontrées par les              s’exprime peu dans la croissance et la




                                                               4
dynamique des entreprises. Les               Si l’on s’accorde sur l’objectif
                                  mesures prises demanderont un cer-           d’améliorer notre compétitivité mon-
                                  tain temps pour se répercuter sur la         diale à travers une politique d’innova-
                                  croissance. La DGTPE 12 estime ainsi         tion et si l’expérience internationale
                                  que les effets de la réforme du CIR          montre que chaque pays doit s’attacher
                                  devraient induire un surcroît de PIB de      à trouver sa voie pour y parvenir, quelle
                                  0,6 points au bout de 15 ans, soit           piste notre pays pourrait-il alors suivre
                                  environ 0,05 % de PIB par an en              pour devenir un territoire innovant dans
                                  moyenne sur 15 ans.                          les années à venir ?


                                  Faire le choix de se spécialiser dans la production
                                  et la commercialisation de connaissance

                                  Les exemples développés ci-dessus            Si la France a peu de business angels
                                  ont montré que les territoires innovants     et si elle n’est pas une société de
                                  ont avant tout utilisé un potentiel exis-    confiance, elle dispose néanmoins d’un
                                  tant, devenu un avantage comparatif.         potentiel scientifique incontesté comme
                                  Dans le cas de la Silicon Valley, c’est la   l’atteste, par exemple, les prix Nobels
                                  capacité à financer le risque qui fait       français en Physique 15, le nombre de
                                  essentiellement fonctionner le modèle.       médaillés Fields 16 (équivalent du prix
                                  Or, la France est encore loin d’une éco-     Nobel pour les mathématiques), ou la
                                  nomie innovante de type Silicon Valley,      qualité de la recherche médicale. Cer-
                                  les obstacles ou les manques étant           taines politiques ont fait le pari de
                                  encore nombreux, notamment en ma-            transformer ces chercheurs en entre-
                                  tière de dynamique entrepreneuriale 13.      preneurs, avec un succès, jusqu’à pré-
                                  Un récent rapport du CAE sur le finan-       sent, très relatif. La France est par ail-
                                  cement des PME a pointé l’incapacité         leurs capable de former des gens de
                                  du système financier à appréhender et        talents dans des domaines très pointus
                                  accompagner les entreprises ayant des        comme, par exemple, en mathémati-
                                  projets risqués (projets risqués au sens     ques financières. Enfin, le niveau fran-
                                  extrêmement innovant et dont le risque       çais en matière de recherche et de for-
                                  est évidemment non mesurable).               mation est excellent et si on peut identi-
                                                                               fier des experts français de niveau
                                  Quant au modèle finlandais, il repose        mondial, on peut aussi noter que très
                                  plus sur un modèle de société (que sur       peu travaillent en France. Le constat
                                  un modèle économique) fondé sur une          est similaire pour le développement
                                  forte capacité des acteurs à travailler      informatique, avec une communauté
                                  ensemble et un partage important des         d’ingénieurs français importante dans
                                  connaissances qui fonctionne dans une        la Silicon Valley, dont très peu sautent
                                  société de confiance. Là aussi, la           le pas de créer leur entreprise, à la dif-
                                  France n’est guère réputée pour sa           férence des indiens ou des chinois pré-
                                  capacité à fonctionner en réseaux et un      sents. On serait alors tenté de parler de
                                  récent travail de Algan et Cahuc 14 a        problème culturel.
                                  pointé les problèmes liés à la société
                                  de défiance en France.                       Une voie à suivre pourrait être d’inves-
                                                                               tir massivement dans la recherche et
                                  Les pôles de compétitivités essaient         de se donner les moyens d’être attractif
12. DGTPE, Trésor Eco n° 50 –
                                  bien d’imposer une politique qui va à        pour les meilleurs chercheurs du
janvier 2009.                     contre-courant de certaines réalités :       monde. Faire le choix de la spécialisa-
13. Voir « Aider les PME :        une propension profonde des tissus           tion dans la recherche scientifique. De
modes, réalités et perspecti-     économiques français au clivage entre        même qu’Helsinki est le living lab de
ves », CCIP(2008).
14. Y. Algan, P. Cahuc, La
                                  grands groupes et PME et un climat de        l’Europe voir du monde et Londres la
Société de défiance, Comment      défiance régnant entre ces différents        capitale de la Finance, Paris serait la
le modèle social français s’au-   types d’entreprise. Si les experts s’en-     capitale de la recherche scientifique. A
todétruit. CEPREMAP (2008).       tendent pour refuser de juger cette poli-    propos du cas des mathématiques
15. P. Gilles de Gennes 1991,
G. Charpak 1992, C. Cohen
                                  tique moins de trois ans après son dé-       financière, un article de G. Pagès évo-
Tounnoudji 1997 et A. Fert        marrage, reste qu’il n’est pas interdit      que ainsi que « l’une des solutions est
2007.                             de s’interroger sur des voies alternati-     sans doute de faire le pari qu’en déve-
16. Avec 9 médaillés depuis sa    ves pour propulser la France dans le         loppant et en consolidant sur place, en
création la France est
deuxième après les États-Unis,
                                  peloton de tête des nations dominant la      France, ce qui constitue nos points
13 médaillés.                     future économie de la connaissance.          forts reconnus (la formation et la




                                                              5
recherche), nous deviendrons attractif      recherche non applicable et besoin des
                                  pour l’extérieur (la compétition de Paris   entreprises…. Si l’enseignement supé-
                                  avec Londres en tant que places finan-      rieur réussissait à lever les obstacles
                                  cières semble une cause perdue) » 17.       qui bloquent sa nécessaire réforme
                                                                              pour retrouver sa place en termes d’at-
                                  Pour tirer parti de cet avantage il faut    tractivité mondiale, il resterait alors à
                                  mettre en place une vraie politique de      transformer l’excellence de la recher-
                                  valorisation des savoirs et surtout de      che en croissance. Il conviendrait pour
                                  commercialisation de ces savoirs, en        cela de disposer d’une véritable
                                  capitalisant sur ce qui est l’avantage      « industrie » de la valorisation de la
                                  comparatif de la France. Plutôt que de      recherche qui aujourd’hui est quasi-
                                  voir ce potentiel s’exporter sans contre-   ment entièrement aux mains d’organis-
                                  partie à l’étranger (on pense au cas        mes publics, à la différence des Etats-
                                  très médiatisé du professeur Monta-         Unis où il existe un secteur très déve-
                                  gné) il faudrait permettre aux cher-        loppé dans ce domaine. Un grand nom-
                                  cheurs de chercher et développer en         bre d’entreprises privées de services
                                  parallèle une « véritable industrie de      ont ainsi pour objet de commercialiser
                                  commercialisation du savoir et de la        les savoirs existants dans le monde de
                                  formation de très haut niveau ». Mais       la recherche pour répondre aux be-
                                  pour se faire un certain nombre de          soins d’une clientèle d’entreprises
                                  freins restent à lever. La France malgré    américaines ou non.
                                  l’excellence de ses chercheurs et de
                                  ses laboratoires connaît depuis plu-        En résumé, la France, pour devenir le
                                  sieurs années un déclin de son attracti-    centre de recherche du monde, doit
                                  vité dans ce domaine. Les échecs suc-       impérativement réussir la réforme de
                                  cessifs des réformes de l’enseignement      ses universités et développer un sec-
                                  supérieur depuis 5 ans montrent la          teur privé et concurrentiel spécialisé
                                  grande complexité des enjeux : gouver-      dans la valorisation et la commerciali-
                                  nance et financement des universités,       sation des savoirs. Tel est l’enjeu des
                                  manque de lisibilité pour les étrangers     prochaines années, en particulier en
                                  du système grandes écoles versus uni-       Île-de-France, principal territoire inno-
                                  versités, problèmes de rémunération         vant national.
                                  des chercheurs, inadéquation entre




17. Problèmes Économiques
21 janvier 2009, Exportation de
la french touch ou fuite des
cerveaux ? Gilles Pagès.




                                                             6

More Related Content

Viewers also liked

Perros de la Calle
Perros de la CallePerros de la Calle
Perros de la CalleRadlas
 
Olivia Ruiz[1] Isabel 9º C
Olivia Ruiz[1] Isabel 9º COlivia Ruiz[1] Isabel 9º C
Olivia Ruiz[1] Isabel 9º CIlda Oliveira
 
Blogs conceptos básicos
Blogs conceptos básicos Blogs conceptos básicos
Blogs conceptos básicos ivanabangerte
 
trabajo de informática Jesús de la divina misericordia
trabajo de informática Jesús de la divina misericordia trabajo de informática Jesús de la divina misericordia
trabajo de informática Jesús de la divina misericordia gabrielblanco2003
 
Estatuto espam 8 septiembre
Estatuto espam 8 septiembreEstatuto espam 8 septiembre
Estatuto espam 8 septiembrekainalaflakita
 
Nativos e inmigrantes digitales , diferencias y mas!
Nativos e inmigrantes digitales , diferencias y mas!Nativos e inmigrantes digitales , diferencias y mas!
Nativos e inmigrantes digitales , diferencias y mas!Juan Andres Silvera
 
Acá les dejo un pequeño power poin.
Acá les dejo un pequeño power poin.Acá les dejo un pequeño power poin.
Acá les dejo un pequeño power poin.nl21
 
10R - OPCA PL : la VAE de l’OPCAPL
10R - OPCA PL : la VAE de l’OPCAPL10R - OPCA PL : la VAE de l’OPCAPL
10R - OPCA PL : la VAE de l’OPCAPLFFFOD
 
Comercio electrónico
Comercio electrónicoComercio electrónico
Comercio electrónicoVasquezLa
 
Semana 3 mercadotecnia por internet
Semana 3 mercadotecnia por internetSemana 3 mercadotecnia por internet
Semana 3 mercadotecnia por internetRegina Gameros
 
Plan vive digital usuarios
Plan vive digital usuariosPlan vive digital usuarios
Plan vive digital usuariosgabrielaamado20
 
Triangle De Presignalisation
Triangle De PresignalisationTriangle De Presignalisation
Triangle De Presignalisationguestfd46f0
 
Revista-10-Ideas-Imprescindibles-Pl
Revista-10-Ideas-Imprescindibles-PlRevista-10-Ideas-Imprescindibles-Pl
Revista-10-Ideas-Imprescindibles-PlIgnacio GIL
 
Gazette du 13 décembre 2011 au 26 janvier 2012
Gazette du 13 décembre 2011 au 26 janvier 2012Gazette du 13 décembre 2011 au 26 janvier 2012
Gazette du 13 décembre 2011 au 26 janvier 2012Ciné-Club Atmosphères
 

Viewers also liked (20)

Perros de la Calle
Perros de la CallePerros de la Calle
Perros de la Calle
 
8 integracion parcial 1
8 integracion parcial 18 integracion parcial 1
8 integracion parcial 1
 
Tarea nº 5
Tarea nº 5Tarea nº 5
Tarea nº 5
 
Olivia Ruiz[1] Isabel 9º C
Olivia Ruiz[1] Isabel 9º COlivia Ruiz[1] Isabel 9º C
Olivia Ruiz[1] Isabel 9º C
 
Blogs conceptos básicos
Blogs conceptos básicos Blogs conceptos básicos
Blogs conceptos básicos
 
trabajo de informática Jesús de la divina misericordia
trabajo de informática Jesús de la divina misericordia trabajo de informática Jesús de la divina misericordia
trabajo de informática Jesús de la divina misericordia
 
Virus informático
Virus informáticoVirus informático
Virus informático
 
Estatuto espam 8 septiembre
Estatuto espam 8 septiembreEstatuto espam 8 septiembre
Estatuto espam 8 septiembre
 
Nativos e inmigrantes digitales , diferencias y mas!
Nativos e inmigrantes digitales , diferencias y mas!Nativos e inmigrantes digitales , diferencias y mas!
Nativos e inmigrantes digitales , diferencias y mas!
 
Acá les dejo un pequeño power poin.
Acá les dejo un pequeño power poin.Acá les dejo un pequeño power poin.
Acá les dejo un pequeño power poin.
 
10R - OPCA PL : la VAE de l’OPCAPL
10R - OPCA PL : la VAE de l’OPCAPL10R - OPCA PL : la VAE de l’OPCAPL
10R - OPCA PL : la VAE de l’OPCAPL
 
Comercio electrónico
Comercio electrónicoComercio electrónico
Comercio electrónico
 
Semana 3 mercadotecnia por internet
Semana 3 mercadotecnia por internetSemana 3 mercadotecnia por internet
Semana 3 mercadotecnia por internet
 
Plan vive digital usuarios
Plan vive digital usuariosPlan vive digital usuarios
Plan vive digital usuarios
 
Triangle De Presignalisation
Triangle De PresignalisationTriangle De Presignalisation
Triangle De Presignalisation
 
Revista-10-Ideas-Imprescindibles-Pl
Revista-10-Ideas-Imprescindibles-PlRevista-10-Ideas-Imprescindibles-Pl
Revista-10-Ideas-Imprescindibles-Pl
 
Gazette du 13 décembre 2011 au 26 janvier 2012
Gazette du 13 décembre 2011 au 26 janvier 2012Gazette du 13 décembre 2011 au 26 janvier 2012
Gazette du 13 décembre 2011 au 26 janvier 2012
 
Ada 2 Lìnea del tiempo
Ada 2 Lìnea del tiempo Ada 2 Lìnea del tiempo
Ada 2 Lìnea del tiempo
 
Ada 6 brenda
Ada 6 brendaAda 6 brenda
Ada 6 brenda
 
le management selon Star wars
le management selon Star warsle management selon Star wars
le management selon Star wars
 

Similar to Friedlandpapers 200906

Tribune gmm dans figaro 011011
Tribune gmm dans figaro 011011Tribune gmm dans figaro 011011
Tribune gmm dans figaro 011011Guymamoumani
 
CroissancePlus : Le Petit Journal de Campagne - Numéro 1
CroissancePlus : Le Petit Journal de Campagne - Numéro 1CroissancePlus : Le Petit Journal de Campagne - Numéro 1
CroissancePlus : Le Petit Journal de Campagne - Numéro 1CroissancePlus
 
Poles Competitivite Presentation
Poles Competitivite PresentationPoles Competitivite Presentation
Poles Competitivite Presentationguestfd21ee
 
Réindustrialisation : le potentiel caché de nos territoires
Réindustrialisation : le potentiel caché de nos territoiresRéindustrialisation : le potentiel caché de nos territoires
Réindustrialisation : le potentiel caché de nos territoiresLa Fabrique de l'industrie
 
Startups françaises: développez-vous aux USA
Startups françaises: développez-vous aux USAStartups françaises: développez-vous aux USA
Startups françaises: développez-vous aux USABenoît Spendov
 
Synthèse des travaux SEPL 2014-2015
Synthèse des travaux SEPL 2014-2015Synthèse des travaux SEPL 2014-2015
Synthèse des travaux SEPL 2014-2015Franck THOUNY
 
Construction collective de scenarios pour appréhender l’après
Construction collective de scenarios pour appréhender l’aprèsConstruction collective de scenarios pour appréhender l’après
Construction collective de scenarios pour appréhender l’aprèsLeonard
 
Bpifrance : 10 ans d'impact
Bpifrance : 10 ans d'impactBpifrance : 10 ans d'impact
Bpifrance : 10 ans d'impactBpifrance
 
Matinée LOCA-CONCEPTION 15 juin2016
Matinée LOCA-CONCEPTION 15 juin2016Matinée LOCA-CONCEPTION 15 juin2016
Matinée LOCA-CONCEPTION 15 juin2016Louise FRANCOIS
 
Livre blanc : Guide des bonnes relations banques startups
Livre blanc : Guide des bonnes relations banques startupsLivre blanc : Guide des bonnes relations banques startups
Livre blanc : Guide des bonnes relations banques startupspolenumerique33
 
Baromètre attractivité de la France en 2010
Baromètre attractivité de la France en 2010Baromètre attractivité de la France en 2010
Baromètre attractivité de la France en 2010Béatrice Duboisset
 
Reconstruire notre économie
Reconstruire notre économieReconstruire notre économie
Reconstruire notre économieFondation iFRAP
 
20 ans de capital investissement en france 1994-2014
20 ans de capital investissement en france   1994-201420 ans de capital investissement en france   1994-2014
20 ans de capital investissement en france 1994-2014Bpifrance
 
Pierre tambourin & jean pierre beylat - rapport sur l'innovation 2013
Pierre tambourin & jean pierre beylat - rapport sur l'innovation 2013Pierre tambourin & jean pierre beylat - rapport sur l'innovation 2013
Pierre tambourin & jean pierre beylat - rapport sur l'innovation 2013Stéphane Crémier
 
CHAP 4 PARTIE 2.pptx
CHAP 4 PARTIE 2.pptxCHAP 4 PARTIE 2.pptx
CHAP 4 PARTIE 2.pptxsara6496
 
Immobilier d'entreprise : Le secteur des médias et de la communication
Immobilier d'entreprise : Le secteur des médias et de la communicationImmobilier d'entreprise : Le secteur des médias et de la communication
Immobilier d'entreprise : Le secteur des médias et de la communicationJLL France
 
Trajectoire - du plan école au business plan
Trajectoire  - du plan école au business planTrajectoire  - du plan école au business plan
Trajectoire - du plan école au business planKevin Lognoné
 

Similar to Friedlandpapers 200906 (20)

Tribune gmm dans figaro 011011
Tribune gmm dans figaro 011011Tribune gmm dans figaro 011011
Tribune gmm dans figaro 011011
 
CroissancePlus : Le Petit Journal de Campagne - Numéro 1
CroissancePlus : Le Petit Journal de Campagne - Numéro 1CroissancePlus : Le Petit Journal de Campagne - Numéro 1
CroissancePlus : Le Petit Journal de Campagne - Numéro 1
 
Poles Competitivite Presentation
Poles Competitivite PresentationPoles Competitivite Presentation
Poles Competitivite Presentation
 
Réindustrialisation : le potentiel caché de nos territoires
Réindustrialisation : le potentiel caché de nos territoiresRéindustrialisation : le potentiel caché de nos territoires
Réindustrialisation : le potentiel caché de nos territoires
 
Startups françaises: développez-vous aux USA
Startups françaises: développez-vous aux USAStartups françaises: développez-vous aux USA
Startups françaises: développez-vous aux USA
 
Synthèse des travaux SEPL 2014-2015
Synthèse des travaux SEPL 2014-2015Synthèse des travaux SEPL 2014-2015
Synthèse des travaux SEPL 2014-2015
 
Construction collective de scenarios pour appréhender l’après
Construction collective de scenarios pour appréhender l’aprèsConstruction collective de scenarios pour appréhender l’après
Construction collective de scenarios pour appréhender l’après
 
FFB: propositions 2017
FFB: propositions 2017FFB: propositions 2017
FFB: propositions 2017
 
Bpifrance : 10 ans d'impact
Bpifrance : 10 ans d'impactBpifrance : 10 ans d'impact
Bpifrance : 10 ans d'impact
 
Matinée LOCA-CONCEPTION 15 juin2016
Matinée LOCA-CONCEPTION 15 juin2016Matinée LOCA-CONCEPTION 15 juin2016
Matinée LOCA-CONCEPTION 15 juin2016
 
Livre blanc : Guide des bonnes relations banques startups
Livre blanc : Guide des bonnes relations banques startupsLivre blanc : Guide des bonnes relations banques startups
Livre blanc : Guide des bonnes relations banques startups
 
Relations banques-startups mars 2015
Relations banques-startups mars 2015Relations banques-startups mars 2015
Relations banques-startups mars 2015
 
Baromètre attractivité de la France en 2010
Baromètre attractivité de la France en 2010Baromètre attractivité de la France en 2010
Baromètre attractivité de la France en 2010
 
Reconstruire notre économie
Reconstruire notre économieReconstruire notre économie
Reconstruire notre économie
 
20 ans de capital investissement en france 1994-2014
20 ans de capital investissement en france   1994-201420 ans de capital investissement en france   1994-2014
20 ans de capital investissement en france 1994-2014
 
Pierre tambourin & jean pierre beylat - rapport sur l'innovation 2013
Pierre tambourin & jean pierre beylat - rapport sur l'innovation 2013Pierre tambourin & jean pierre beylat - rapport sur l'innovation 2013
Pierre tambourin & jean pierre beylat - rapport sur l'innovation 2013
 
Cp def world forum 082012
Cp def world forum 082012Cp def world forum 082012
Cp def world forum 082012
 
CHAP 4 PARTIE 2.pptx
CHAP 4 PARTIE 2.pptxCHAP 4 PARTIE 2.pptx
CHAP 4 PARTIE 2.pptx
 
Immobilier d'entreprise : Le secteur des médias et de la communication
Immobilier d'entreprise : Le secteur des médias et de la communicationImmobilier d'entreprise : Le secteur des médias et de la communication
Immobilier d'entreprise : Le secteur des médias et de la communication
 
Trajectoire - du plan école au business plan
Trajectoire  - du plan école au business planTrajectoire  - du plan école au business plan
Trajectoire - du plan école au business plan
 

Friedlandpapers 200906

  • 1. LETTRE DE PROSPECTIVE JUIN 2009 - NUMERO 16 Devenir le territoire le plus innovant du monde ? L ors du Conseil européen de Lisbonne de mars 2000, les dirigeants de l’Union européenne avaient adopté un programme fixant « un nouvel objectif stratégique pour les 10 prochaines années : devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ». Neuf ans après, le bilan est en demi-teinte et l’on parle déjà d’un plan Lisbonne plus. Le rapport Cohen Tanugi en 2007 1 concluait que les objectifs étaient pertinents et devaient être poursuivis, mais que l’Europe n’a- vait pas rattrapé son retard par rapport aux États-Unis et qu’elle subissait la concurrence de certains pays émer- gents. En effet, partout à travers le monde, les États misent sur les territoires innovants et l’intelligence. Le monde entier est désormais sur cette stratégie de métissage entre industrie, recherche, entreprises et territoires et c’est très certainement là que va se jouer la compétition mondiale des prochaines années. Dans ce contexte, quels sont les atouts de la France dans cette course mondiale aux territoires innovants ? A ce jour, la France apparaît plutôt en retrait, alors que les différents responsables politiques nationaux n’ont eu de cesse d’affirmer, depuis une décennie, leur volonté de faire de la France un territoire innovant 2. Cette volonté conduit à se poser les questions suivantes : existe-t-il un modèle unique de territoire innovant ? Quelle voie suivre pour la France ? Par Hélène PERRIN BOULONNE hperrinboulonne@ccip.fr Existe-t-il un modèle de territoire innovant ? Divers exemples, qu’ils soient financement de start-up et sur une mondialement reconnus comme des population importante de business territoires innovants ou qu’ils se situent angels. Les investissements portent sur dans des pays émergents, suggèrent des projets risqués, il n’y a pas de des caractéristiques très différentes. place pour des projets sans ambition. Les entrepreneurs disent ainsi qu’il est La Bay Area plus facile de lever 300 000 dollars que ou l’économie schumpétérienne 15 000 dollars dans la Silicon Valley. 1. La Place de l’Europe dans la Pour leur part, les investisseurs accep- mondialisation. L’exemple « mythique » de la Bay Area tent de ne gagner que sur quelques 2. Ainsi, par exemple, la décla- (ou Silicon Valley) 3 tire sa particularité projets mais de gagner beaucoup sur ration récente du Président de la République à propos du de sa capacité à fabriquer des start- ceux-là : les risques sont ainsi mutuali- plateau de Saclay : « Je vou- ups et à faire émerger régulièrement sés (risk sharing). drais que l’on crée une vérita- de grands succès mondiaux. Ce sys- ble Silicon Valley sur le plateau tème repose sur une forte concentra- La bay area est en quelque sorte de Saclay ». 3. La Silicon Valley n’étant tion de connaissance et de capital hu- l’exemple appliqué de l’économie qu’une partie de la Région qui main, sur la présence d’entreprises qui schumpetérienne avec une circulation s’étend tout au tour de la baie offrent des services avancés aux por- permanente des capitaux et des per- de San Francisco appelée teurs de projets, sur l’existence d’insti- sonnes, une présence d’investisseurs communément Bay Area par les Américains. tutions financières spécialisées dans le capables de prendre des risques, d’en- Une lettre de la Direction générale adjointe chargée des Études, de la Prospective et de l’Innovation Directeur de la publication : Pierre TROUILLET Rédacteur en chef : Jean-Luc BIACABE Mise en page : Bénédicte MARTIN Contact : bmartin@ccip.fr Avertissement : Les opinions exprimées dans le présent document sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement les vues de la CCIP.
  • 2. treprises de croissance et de grandes le living lab de l’Europe, voire du universités. En revanche, on ne fabri- monde qui repose sur plusieurs pi- que rien dans la Silicon Valley, les liers : acceptation du partage de la coûts salariaux y sont extrêmement connaissance, forte réactivité des insti- élevés et il n’y a pas de capacité indus- tutions, acceptation du principe d’expé- trielle. Le développement des produits rimentation. se fait ailleurs et pas nécessairement aux Etats-Unis. Ce rapide survol de deux territoires parmi les plus innovants au monde Ce système n’est pas un mode de montre qu’il n’existe pas un modèle croissance linéaire. Depuis les années unique. Dans la bay area, 1950, le territoire a connu plusieurs l’intervention de l’Etat s’est faite princi- crises violentes. Aujourd’hui, il connaît palement via l’investissement dans de une nouvelle période difficile : entre gigantesques programmes de recher- août 2008 et janvier 2009, le taux de che (notamment militaire) confiés aux chômage est passé de 7,7 % à 9,3 % entreprises de la région, alors qu’en et selon le cabinet Joint Venture Silicon Finlande, l’intervention publique s’est Valley Network, les levés de fonds faite par la mise en place d’un environ- auraient chuté de 7,7 % en 2008. Pour- nement favorable. tant, la bay area pourrait de nouveau rebondir après une crise majeure. En Pays émergents : des pratiques investissant massivement dans les adaptées aux besoins locaux clean tech, elle pourrait bénéficier des milliards de dollars que le nouveau De nombreux pays émergents déve- gouvernement américain compte y loppent également leur politique en consacrer. matière de territoire innovant. Le Brésil a, par exemple, choisi un modèle de Helsinki : le living lab du monde 4 SPL (système productif local) 6. Le système se fonde sur une base territo- Le living lab est défini comme : riale précise, avec un nombre impor- « une méthode de recherche pour tant de petites et très petites entrepri- percevoir, prototyper, valider et raffiner ses et des priorités en matière de des solutions complexes dans un formation professionnelle, de diffusion contexte évolutif de vie réelle à dimen- de la connaissance technologique, de sions multiples » 5. Helsinki est un terri- design et de marché. Le pays a cons- toire impliqué dans le développement truit sa politique en fonction des réali- de l’innovation basée sur la capacité à tés de son territoire, le défi majeur expérimenter les usages dans les étant de toucher toutes les régions. Il conditions réelles. Les utilisateurs sont ne s’agit donc pas de développer quel- intégrés dans les processus de R&D, ques grands pôles autour des agglo- d’innovation et d’expérimentation dans mérations et de laisser derrière le reste les conditions du réel formant ainsi un du pays. système de co-création pour les nou- veaux produits, services et infrastructu- L’Afrique du Sud investit, pour sa part, res. La capitale finlandaise est un terri- le modèle des living lab en l’adaptant toire qui rassemble l’ensemble des par- aux problématiques du pays ties prenantes qui font la réussite d’un "Encourager l'innovation pour l'homme living lab : prescripteurs, concepteurs, de la rue par l'homme de la rue". A la développeurs et utilisateurs ; ce qui différence du modèle finlandais, les inclut le secteur public, les entreprises, Living Lab sud-africains privilégient la les scientifiques, les universités et les recherche et l'innovation qui satisfont utilisateurs finaux (particuliers et entre- le plus immédiatement aux besoins 4. http://www.helsinkilivinglab.fr prises). Les entreprises, qu’elles soient des communautés. Il existe de nom- 5. Définition du concept par le professeur W.J Mitchell du MIT finlandaises ou non, trouvent ainsi un breux living lab à travers le pays avec Media Lab and School of archi- environnement qui permet d’utiliser la chacun leur spécialité : entreprenariat tecture vie réelle pour mettre au point et tester rural, connexion des écoles et des cli- 6. Le Brésil compte aujourd’hui leurs innovations. Helsinki, grâce à une niques à Internet, service mobile, dé- 200 SPL répartis sur l’ensem- ble de son territoire. volonté politique forte, a développé veloppement économique des commu- 7. http://www.atelier.fr/ depuis 10 ans un living lab qui explique nautés, télémédecine et systèmes de institutions/10/24032009/ en grande partie les bons résultats soins dans les zones rurales 7. afrique-du-sud-living-lab- économiques de la Finlande et qui a communaute-partage- echange-wimax-e-commerce- permis le développement de leader Si chaque pays choisit son propre e-gouvernement--38016-.html mondiaux. Elle s’est imposée comme mode de développement, il existe 2
  • 3. néanmoins une caractéristique com- compétition mondiale. Dans cette mune à tous ces territoires innovants : course mondiale à l’intelligence et à la capacité à valoriser l’intelligence l’innovation, les pôles de compétitivité existante. Les pays émergents pour- qui sont la politique phare de la France ront faire le choix de privilégier le déve- en la matière, n’ont donc rien de pré- loppement local, quand des pays curseurs et ne font que s’inscrire dans comme les Etats-Unis, la Finlande ou une tendance mondialement partagée encore la Chine feront le choix de la qui est de lier innovation et territoire. Quelle voie pour la France ? Il faut maintenant s’interroger sur les vre, au travers de sa politique d’innova- atouts de la France dans cette course tion, un objectif de compétitivité mon- mondiale aux territoires innovants. Les diale et non un objectif d’aménage- premiers bilans tirés des pôles de com- ment du territoire. Certains regrettent, pétitivité sont mitigés : la démarche tel Jean Pierre Raffarin ancien Premier semble hésiter entre objectif d’aména- Ministre, que les pôles aient du mal à gement du territoire et objectif de com- dépasser leurs limites géographiques pétitivité, ce qui a conduit à un saupou- et administratives et considèrent qu’ils drage inefficace, mais elle a incontes- ne devraient « pas être prisonniers des tablement créé une dynamique et favo- territoires » 9. risé des contacts entre des acteurs qui s’ignoraient. En termes d’intensité des dépenses en R&D par rapport au PIB, la France se Avec un montant de 37,9 milliards classe seulement au 10ème rang mon- d’euros 8 de dépenses intérieures de dial avec 2,3 % du PIB, ce qui est infé- recherche et développement, qui la rieur à l’objectif de 3 % de la stratégie situe au 4ème rang des pays de l’OCDE de Lisbonne et même en légère baisse en volume, la France devrait poursui- sur une période de 10 ans. Intensité de l’effort global de R&D (dird/pib) % du pib 3,5% - Finlande 3,5 3,3 3,4% - Japon 3,2% - Corée 3,1 2,9 2,7% - Etats-Unis 2,7 2,5 2,5% - Allemagne 2,3 2,1 2,1% - France 1,9 1,8% - Royaume-Uni 1,7 1,5 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 Source : OCDE - Main Science and Technology Indicators - Extraction mars 2009 C’est principalement en matière de 70 % des dépenses de R&D sont effec- 8. 2006, Source : Ministère de dépenses de R&D dans les entreprises tuées par les entreprises, ce chiffre l’enseignement supérieur et de la recherche que la France est mal positionnée, atteignant même 80 % en Corée, alors 9. La Tribune 21 mars 2009 - avec un niveau très inférieur à ce que qu’en France, l’intensité de R&D des Les pôles de compétitivité se l’on peut observer dans d’autres pays entreprises ne représentent que 60 % cherchent encore de l’OCDE. Dans tous les pays, plus de du total. Cette relative faiblesse de 3
  • 4. l’effort de recherche des entreprises à nos principaux concurrents, un déficit françaises s’illustre également par la de chercheurs dans les entreprises : part des chercheurs en entreprises. Le aux Etats-Unis, 80 % des chercheurs nombre de chercheurs est relativement sont dans les entreprises contre un peu élevé en France du fait de la recherche plus de la moitié en France. publique, mais on observe, par rapport Intensité de l’effort global de R&D des entreprises (dirde/pib) % du pib 2,6% - Japon 2,6 2,5% - Corée 2,4 2,5% - Finlande 2,2 2,0 1,9% - Etats-Unis 1,8 1,8% - Allemagne 1,6 1,4 1,3% - France 1,2 1,1% - Royaume-Uni 1,0 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 Source : OCDE - Main Science and Technology Indicators - Extraction mars 2009 Chercheurs en entreprises en % du total national Etats-Unis 79% Corée du sud 77% Suède 68% Japon 68% Allemagne 61% Royaume-Uni 56% France 53% 0% 20% 40% 60% 80% Source : OCDE - Main Science and Technology Indicators - Extraction Mars 09 Ce déficit de R&D dans les entreprises PME à trouver leur place dans les pôles serait particulièrement sensible dans de compétitivité. P. Veltz, dans La les petites et moyennes entreprises, grande transition 11, note ainsi « la sans que les chiffres disponibles ne grande difficulté expérimentée par les permettent de le mesurer réellement. PME pour entrer vraiment dans le jeu et Un récent rapport du CAE 10 émet les risques d’une nouvelle capture de l’hypothèse que les PME françaises, et cette politique par les grands groupes ». plus particulièrement les PME indépen- dantes, seraient caractérisées par un Même si ce constat mérite d’être atté- sous-investissement en R&D. Cette hy- nué au regard du succès rencontré par 10. G. Chertok, P.A de Malle- ray, P. Pouletty, Le Finance- pothèse est sans doute à rapprocher les récentes mesures en faveur du cré- ment des PME, CAE mars des difficultés des PME françaises à dit impôt-recherche, il n’en reste pas 2009. grandir, constat aujourd’hui largement moins que la France semble disposer 11. Pierre Veltz, La grande partagé. Ceci se traduirait également d’un potentiel de recherche qui transition, La France dans le monde qui vient (Seuil 2008). par les difficultés rencontrées par les s’exprime peu dans la croissance et la 4
  • 5. dynamique des entreprises. Les Si l’on s’accorde sur l’objectif mesures prises demanderont un cer- d’améliorer notre compétitivité mon- tain temps pour se répercuter sur la diale à travers une politique d’innova- croissance. La DGTPE 12 estime ainsi tion et si l’expérience internationale que les effets de la réforme du CIR montre que chaque pays doit s’attacher devraient induire un surcroît de PIB de à trouver sa voie pour y parvenir, quelle 0,6 points au bout de 15 ans, soit piste notre pays pourrait-il alors suivre environ 0,05 % de PIB par an en pour devenir un territoire innovant dans moyenne sur 15 ans. les années à venir ? Faire le choix de se spécialiser dans la production et la commercialisation de connaissance Les exemples développés ci-dessus Si la France a peu de business angels ont montré que les territoires innovants et si elle n’est pas une société de ont avant tout utilisé un potentiel exis- confiance, elle dispose néanmoins d’un tant, devenu un avantage comparatif. potentiel scientifique incontesté comme Dans le cas de la Silicon Valley, c’est la l’atteste, par exemple, les prix Nobels capacité à financer le risque qui fait français en Physique 15, le nombre de essentiellement fonctionner le modèle. médaillés Fields 16 (équivalent du prix Or, la France est encore loin d’une éco- Nobel pour les mathématiques), ou la nomie innovante de type Silicon Valley, qualité de la recherche médicale. Cer- les obstacles ou les manques étant taines politiques ont fait le pari de encore nombreux, notamment en ma- transformer ces chercheurs en entre- tière de dynamique entrepreneuriale 13. preneurs, avec un succès, jusqu’à pré- Un récent rapport du CAE sur le finan- sent, très relatif. La France est par ail- cement des PME a pointé l’incapacité leurs capable de former des gens de du système financier à appréhender et talents dans des domaines très pointus accompagner les entreprises ayant des comme, par exemple, en mathémati- projets risqués (projets risqués au sens ques financières. Enfin, le niveau fran- extrêmement innovant et dont le risque çais en matière de recherche et de for- est évidemment non mesurable). mation est excellent et si on peut identi- fier des experts français de niveau Quant au modèle finlandais, il repose mondial, on peut aussi noter que très plus sur un modèle de société (que sur peu travaillent en France. Le constat un modèle économique) fondé sur une est similaire pour le développement forte capacité des acteurs à travailler informatique, avec une communauté ensemble et un partage important des d’ingénieurs français importante dans connaissances qui fonctionne dans une la Silicon Valley, dont très peu sautent société de confiance. Là aussi, la le pas de créer leur entreprise, à la dif- France n’est guère réputée pour sa férence des indiens ou des chinois pré- capacité à fonctionner en réseaux et un sents. On serait alors tenté de parler de récent travail de Algan et Cahuc 14 a problème culturel. pointé les problèmes liés à la société de défiance en France. Une voie à suivre pourrait être d’inves- tir massivement dans la recherche et Les pôles de compétitivités essaient de se donner les moyens d’être attractif 12. DGTPE, Trésor Eco n° 50 – bien d’imposer une politique qui va à pour les meilleurs chercheurs du janvier 2009. contre-courant de certaines réalités : monde. Faire le choix de la spécialisa- 13. Voir « Aider les PME : une propension profonde des tissus tion dans la recherche scientifique. De modes, réalités et perspecti- économiques français au clivage entre même qu’Helsinki est le living lab de ves », CCIP(2008). 14. Y. Algan, P. Cahuc, La grands groupes et PME et un climat de l’Europe voir du monde et Londres la Société de défiance, Comment défiance régnant entre ces différents capitale de la Finance, Paris serait la le modèle social français s’au- types d’entreprise. Si les experts s’en- capitale de la recherche scientifique. A todétruit. CEPREMAP (2008). tendent pour refuser de juger cette poli- propos du cas des mathématiques 15. P. Gilles de Gennes 1991, G. Charpak 1992, C. Cohen tique moins de trois ans après son dé- financière, un article de G. Pagès évo- Tounnoudji 1997 et A. Fert marrage, reste qu’il n’est pas interdit que ainsi que « l’une des solutions est 2007. de s’interroger sur des voies alternati- sans doute de faire le pari qu’en déve- 16. Avec 9 médaillés depuis sa ves pour propulser la France dans le loppant et en consolidant sur place, en création la France est deuxième après les États-Unis, peloton de tête des nations dominant la France, ce qui constitue nos points 13 médaillés. future économie de la connaissance. forts reconnus (la formation et la 5
  • 6. recherche), nous deviendrons attractif recherche non applicable et besoin des pour l’extérieur (la compétition de Paris entreprises…. Si l’enseignement supé- avec Londres en tant que places finan- rieur réussissait à lever les obstacles cières semble une cause perdue) » 17. qui bloquent sa nécessaire réforme pour retrouver sa place en termes d’at- Pour tirer parti de cet avantage il faut tractivité mondiale, il resterait alors à mettre en place une vraie politique de transformer l’excellence de la recher- valorisation des savoirs et surtout de che en croissance. Il conviendrait pour commercialisation de ces savoirs, en cela de disposer d’une véritable capitalisant sur ce qui est l’avantage « industrie » de la valorisation de la comparatif de la France. Plutôt que de recherche qui aujourd’hui est quasi- voir ce potentiel s’exporter sans contre- ment entièrement aux mains d’organis- partie à l’étranger (on pense au cas mes publics, à la différence des Etats- très médiatisé du professeur Monta- Unis où il existe un secteur très déve- gné) il faudrait permettre aux cher- loppé dans ce domaine. Un grand nom- cheurs de chercher et développer en bre d’entreprises privées de services parallèle une « véritable industrie de ont ainsi pour objet de commercialiser commercialisation du savoir et de la les savoirs existants dans le monde de formation de très haut niveau ». Mais la recherche pour répondre aux be- pour se faire un certain nombre de soins d’une clientèle d’entreprises freins restent à lever. La France malgré américaines ou non. l’excellence de ses chercheurs et de ses laboratoires connaît depuis plu- En résumé, la France, pour devenir le sieurs années un déclin de son attracti- centre de recherche du monde, doit vité dans ce domaine. Les échecs suc- impérativement réussir la réforme de cessifs des réformes de l’enseignement ses universités et développer un sec- supérieur depuis 5 ans montrent la teur privé et concurrentiel spécialisé grande complexité des enjeux : gouver- dans la valorisation et la commerciali- nance et financement des universités, sation des savoirs. Tel est l’enjeu des manque de lisibilité pour les étrangers prochaines années, en particulier en du système grandes écoles versus uni- Île-de-France, principal territoire inno- versités, problèmes de rémunération vant national. des chercheurs, inadéquation entre 17. Problèmes Économiques 21 janvier 2009, Exportation de la french touch ou fuite des cerveaux ? Gilles Pagès. 6