#TENNIS #AUTREMENT
La pandémie met en lumière la nécessité de réinventer le #sport professionnel
⏩ L'exemple du #tennis, dans ce dossier, pourrait être valable pour bien d'autres disciplines
♨️ Des instances dirigeantes qui peinent à se renouveler, à se parler d'une même (seule) voix
♀ Des acteurs du sport qui veulent faire bouger les lignes pour aligner le sport aux attentes (fans, sponsors)
♀ Des sportives et sportifs impliqués (changement de mentalité) prêts à "prêts à travailler ensemble pour le futur proche"
1. 32 – LES ECHOS WEEK-END
BUSINESS STORY
LE COVID, REVERS MEURTRIER
POUR LE TENNIS
Le 13 septembre,
à Flushing Meadows.
La cérémonie
de remise des prix
de l’US Open, tournoi
du Grand Chelem
se déroule sans
spectateurs,
ou presque.
Pour la première fois depuis 1947, le tournoi de Roland-Garros
ne s’est pas tenu au printemps – il se joue à partir de dimanche.
La pandémie a interrompu pendant plusieurs mois le tennis
professionnel et révélé les nombreuses faiblesses d’un sport
toujours ultra-médiatisé mais en fait menacé de déclin.
Dissensions entre joueurs et instances dirigeantes, public
vieillissant, désintérêt des nouveaux médias: le tennis
est contraint à l’aggiornamento, et vite.
Par Anna Bonalume et Alexandre Choiselat
2. LES ECHOS WEEK-END – 33
ROLAND-GARROS
Quand la
distanciation sociale
n’était que fiction:
une foule compacte
suit la demi-finale
opposant Rafael
Nadal (photo) à Juan
Martin Del Potro,
à Roland-Garros
en juin 2018.
e 8 mars, le tournoi Indian Wells est
officiellement annulé. Le circuit professionnel
n’échappe pas à la pétrification du monde
imposée par la propagation du Covid-19.
À quelque chose malheur est bon, la pandémie
accélère la prise de conscience de tous les maux
dont souffrait ce sport autrefois élitiste, naguère
populaire, et aujourd’hui en sérieuse perte
de vitesse. Reporté à cause de la crise sanitaire,
Roland-Garros s’ouvrira dimanche dans
un Paris à nouveau en pleine zone rouge,
sur le qui-vive face à la multiplication des
clusters liés aux réunions en grand nombre.
Tôt ou tard, le monde du tennis devra tirer les
leçons de ce traumatisme sans précédent.
« ÇA FAIT DU BIEN DE SOUFFLER »
La pandémie a au moins eu cet aspect positif
pour les athlètes, qui sillonnent la
planète onze mois par an en temps
normal: leur permettre de
souffler. Comme le confie
Caroline Garcia, victorieuse
en double à Roland-Garros
en 2016 : «Ça fait du bien de
couper un peu du tennis, de
savoir que pendant deux
mois tu vas être au même
endroit, sans compétition,
avec moins de stress, parce que
sinon c’est un stress
permanent.» La joueuse
française a pu s’entraîner pendant
le confinement à Majorque, dans
l’académie de Rafael Nadal, mais tout le monde
n’a pas eu cette opportunité. Richard Gasquet,
lui, n’a quasiment pas joué pendant trois mois:
«J’ai essayé de travailler ma condition physique
et j’ai rejoué au mois de juillet. Quand
tu as 33-34 ans, pour retrouver l’intensité du
haut niveau, il ne faut pas trop s’arrêter.»
Le problème fondamental est d’ordre
financier. Si les joueurs les mieux classés ont pu
économiser suffisamment durant leur carrière
pour faire face à cette pause forcée, les autres se
sont retrouvés démunis. Ils ne sont pas salariés,
leurs revenus proviennent de leurs gains en
tournois et, pour les meilleurs, du sponsoring.
Patrick Mouratoglou, entraîneur de Serena
Williams, assure que «les joueurs en deçà du Top
100 n’ont pas un euro de côté. La situation était
catastrophique pour eux». Cette période a selon
lui révélé l’aberration du système: «Quand 80%
des richesses sont gagnées par les 3 meilleurs du
monde, il y a une exagération, il faut trouver des
solutions. Que le 150e
mondial ne gagne pas sa vie,
c’est absolument anormal, il y a quand même un
peu d’argent dans le tennis, ce n’est pas du kayak!»
En termes de sponsoring, Nicolas
Lamperin, agent de Gaël Monfils et de Kristina
Mladenovic, estime que la situation
«va se tendre énormément pour les joueurs
de second rang car en période de crise,
ce sont les budgets marketing et sponsoring
qui sont coupés en premier».
UNION SACRÉE DES INSTANCES GOUVERNANTES
Les instances gouvernantes du tennis ont
collaboré, comme rarement auparavant, ce qui
ne fut pas tâche facile, puisque le tennis
professionnel est complètement fragmenté (voir
encadré p. 38). L’ATP, la WTA, L’ITF, les
tournois du Grand Chelem et les fédérations
nationales, tous ont leur mot à dire. Mais la
crise a constitué un électrochoc. L’Italien
Andrea Gaudenzi, récemment élu président de
l’ATP, estime que celle-ci a «lancé une très bonne
collaboration avec les Grand Chelem, nous
discutons pratiquement toutes les semaines».
Parmi les sujets les plus brûlants: un
nouveau calendrier des tournois, un protocole
sanitaire et un fonds de soutien aux joueurs.
Bernard Giudicelli, président de la FFT et
vice-président de l’ITF, témoigne de cette
nouvelle solidarité entre autorités
tennistiques: «Le Covid a mis tout le
monde d’accord. Nous avons
d’abord contribué à hauteur de
1 million d’euros au fonds de
soutien de l’ATP et de la WTA.
Et nous avons mis en place
pour le tennis français un
plan de relance de
35 millions d’euros.»
Concernant le protocole
sanitaire: «Nous avons créé un
collège scientifique et élaboré un
protocole, dont l’idée a été reprise
par l’ATP et la WTA.» Le ministère
des Sports s’est mobilisé rapidement:
«L’État a accompagné au maximum les
associations, les clubs professionnels comme
amateurs. À date, 3 milliards d’euros d’aides ont
été déjà consacrés au sport», souligne la
«LESJOUEURS
ENDEÇÀ
DUTOP100N’ONT
PASUNEURO
DECÔTÉ.»
3. 34 – LES ECHOS WEEK-END
BUSINESS STORY ROLAND-GARROS
ministre Roxana Maracineanu, qui a organisé
des points très réguliers avec la FFT pour
l’organisation de Roland-Garros.
DIFFICILE D’ASSURER LA SÉCURITÉ SANITAIRE
Les professionnels sont évidemment soumis à
un protocole très strict. Petra Martic, demi-
finaliste au tournoi de Palerme, le premier
tournoi de reprise, assure que «cela va prendre
du temps de s’adapter à toutes ces mesures, mais
au moins je me sens en sécurité». Certains se font
moins bien que d’autres au nouveau contexte. À
l’US Open, l’expérience de la bulle dite
«hermétique» a été parfois mal vécue. Caroline
Garcia témoigne: «Une fois qu’on est entré dans
la bulle on n’en sort plus. Les deux premiers tests
ont lieu à deux jours d’intervalle et après, c’est
tous les quatre jours. L’hôtel n’est que pour nous,
ils ont aménagé un espace sur le parking pour
qu’on puisse sortir prendre l’air, mais c’est
vraiment limité. On prend le bus pour aller au
club, pour s’entraîner, pour faire les matchs.» Les
déplacements des joueurs sont tracés par GPS.
Cela dit, certains membres du personnel des
hôtels ou du staff du tournoi ne sont pas
astreints aux mêmes règles et la bulle n’est pas
imperméable au virus. Le 30 août, Benoît Paire,
connu aussi pour ses colères et ses nombreuses
raquettes cassées sur les courts, a été contrôlé
positif: il est immédiatement placé en
quarantaine et doit se retirer du tournoi. Les
joueurs français qui l’ont côtoyé sont mis à
l’isolement puis finalement autorisés à disputer
leurs matchs. Une fois éliminés, ils seront
assignés à l’hôtel pendant une semaine. Pas
facile. Du côté du moral, on peut toutefois
espérer que le retour du public fera du bien aux
joueurs. Roland-Garros sera le premier tournoi
depuis la reprise du circuit à accueillir des
spectateurs, même s’ils sont moins nombreux
qu’en temps normal: réduite de moitié
initialement, à 11500 spectateurs par jour, la
jauge autorisée a encore été ramenée à 5000
face à la progression du virus. «C’est très bizarre
de jouer dans ces conditions. On est content de
voir du public à Roland-Garros, ça va changer
énormément les choses», escompte néanmoins
Richard Gasquet.
L’INCIDENT DJOKOVIC
Novak Djokovic a fait l’objet de vives critiques
pour avoir mis en place, fin juin, l’Adria Tour,
série d’exhibitions à but caritatif dans les pays
de l’ex-Yougoslavie. Les mesures de
distanciation ne sont pas respectées, les joueurs
célèbrent leurs retrouvailles en boîte de nuit.
Résultat: cinq d’entre eux testés positifs, dont
Djokovic lui-même, qui fait acte de contrition,
mais trop tard. Kevin Anderson, vice-président
du conseil des joueurs de l’ATP, tempête encore:
«Tout l’événement a été complètement
irresponsable.» Une leçon, selon lui, pour les
joueurs impliqués qui «peuvent comprendre
pourquoi, maintenant que le circuit a repris, nous
avons besoin de faire autant attention et de
prendre toutes ces précautions».
Le crédit du Serbe, déjà entamé par ses
prises de position anti-vaccin en plein cœur de
la pandémie, s’amenuise encore. Lui qui
souhaite s’affirmer tant sur le plan sportif (il
chasse les records de Federer et Nadal en Grand
Chelem) que politique au sein des instances de
gouvernance, est contraint de faire profil bas
pendant deux mois. À la veille de l’US Open,
UNE ANNÉE
APOCALYPTIQUE
8MARS
Le tournoi Indian Wells
est annulé.
17MARS
La FFT annonce le
report de Roland-
Garros à la fin du mois
de septembre.
10AVRIL
La FFT débloque
35 millions d’euros
pour soutenir
l’économie du tennis.
20AVRIL
Novak Djokovic
se déclare
personnellement
opposé à la vaccination
contre le Covid-19.
9MAI
La joueuse algérienne
Inès Ibbou répond
vertement, sur les
réseaux sociaux,
à Dominic Thiem,
qui ne souhaite pas
participer au fonds
de soutien pour les
joueurs mal classés.
Elle recueille de
nombreux appuis,
comme ceux des
joueurs Nick Kyrgios
et Venus Williams,
mais aussi du
président algérien
Tebboune.
10JUIN
Roger Federer annonce
mettre un terme à sa
saison après avoir subi
une arthroscopie
du genou droit.
14JUIN
Démarrage de
l’Ultimate Tennis
Showdown (UTS),
le tournoi créé par
Patrick Mouratoglou.
27SEPTEMBRE
Début de Roland-
Garros.
SURL’ADRIATOUR,
CINQJOUEURS
SONTTESTÉS
POSITIFS,DONT
NOVAKDJOKOVIC.
En juin, lors de
l’Adria Tour, Novak
Djokovic (à droite)
retrouve Filip
Krajinovic,
son compatriote:
pas sûr que leur
«chest bump»
soit homologué
par l’OMS comme
geste barrière.
4. 36 – LES ECHOS WEEK-END
BUSINESS STORY ROLAND-GARROS
il annonce brutalement sa démission du conseil
des joueurs de l’ATP et la création
d’un syndicat indépendant. Ses griefs: un
manque de communication avec les instances
dirigeantes et une redistribution trop faible aux
joueurs des revenus engrangés par les tournois.
Probablement perturbé par toutes ces
considérations extra-sportives, il perd ses nerfs
en quart de finale de l’épreuve et, à la suite d’un
geste d’énervement, blesse involontairement une
juge de ligne. Il est disqualifié, alors que le
titre lui tendait les bras. À lui seul, vu son
classement et l’envergure de son jeu, il
illustre le désarroi de la profession.
Jusqu’à cette année, le tennis pouvait
se rassurer en se voyant quatrième
sport le plus populaire au monde, avec
87 millions de pratiquants et 2,2 milliards de
dollars de revenus annuels (entre la billetterie,
les sponsors et les droits). Mais en temps
de crise, d’autres chiffres se font plus mordants:
le tennis ne représente que 1,3% des droits
télévisuels et médias de l’ensemble des sports.
Les instances dirigeantes jugent plus urgent
de contrer la concurrence des autres sports
et de l’industrie du divertissement
que de céder aux revendications pécuniaires
des joueurs et des joueuses.
ACCROÎTRE LA TAILLE DU GÂTEAU
Selon Andrea Gaudenzi, la question de la
redistribution des gains est secondaire. Ancien
joueur, passé par l’industrie de la musique, il
veut d’abord accroître le gâteau global avant de
distribuer de plus grosses parts: «Chaque joueur
individuellement a des arguments à faire valoir.
Mais une instance gouvernante doit prendre des
décisions difficiles pour le bien collectif. On ne
peut pas se concentrer sur les détails. Mon
ambition est d’amener le tennis à un autre
niveau. Quand je vois que le golf génère trois fois
plus d’argent que le tennis, ça me fait mal. Ce qui
est fondamental, c’est le positionnement de notre
sport dans le monde digital face aux autres piliers
de l’industrie du divertissement: le cinéma, la
musique, le jeu vidéo.» Patrick Mouratoglou
rappelle de son côté que «la situation actuelle du
Covid montre à quel point le gâteau est trop petit.
En fait, tous les tournois sont en perte, dès qu’il
n’y a plus de billetterie, c’est terminé, ils perdent
tous de l’argent».
L’initiative de Djokovic ne fait pourtant pas
l’unanimité parmi les professionnels du circuit:
Federer et Nadal estiment que l’heure n’est pas
à la division. Jo-Wilfried Tsonga rappelle que
«l’ATP est déjà une union. Le vrai problème, c’est
qu’il y a une union des joueurs, qui est l’ATP,
et il y a l’ITF. Aujourd’hui, ces deux entités-là
ont beaucoup de mal à travailler ensemble».
La situation semble toutefois en passe
ATP
Association of Tennis
Professionals.
Créée en 1972 dans
le but de défendre les
intérêts des joueurs
professionnels
masculins. Elle devient
l’ATP Tour en 1990
et organise le circuit
professionnel masculin,
en remplacement
du Grand Prix tennis
circuit et du World
Championship Tennis.
WTA
Women’s Tennis
Association. Créée en
1973 pour défendre les
intérêts des joueuses
professionnelles. Le
WTA Tour est le circuit
professionnel féminin.
ITF International
Tennis Federation,
association sportive
internationale qui
chapeaute 205
fédérations nationales
affiliées, dont la FFT
(Fédération française
de tennis). Elle régit
LES INSTANCES DU TENNIS MONDIAL
Ils tentent de faire
bouger les lignes:
Naomi Osaka, engagée
contre les injustices
raciales; Patrick
Moratoglou,
entraîneur de Serena
Williams, qui milite
pour un nouveau
format de jeu
(au centre): Novak
Djokovic (en bas
à droite) défie l’ATP
en lançant un
syndicat
indépendant.
également les tournois
du Grand Chelem,
les plus prestigieux.
LES 4 TOURNOIS
DU GRAND CHELEM
Ils ont aussi un rôle
décisionnel et sont
réunis au sein du
Comité du Grand
Chelem, regroupant
l’ITF et les instances
organisatrices: les
fédérations nationales
australienne, française
et américaine et
l’AELTC (club privé
accueillant le tournoi
de Wimbledon).
5. 38 – LES ECHOS WEEK-END
BUSINESS STORY ROLAND-GARROS
ensemble». Pour Andrea Gaudenzi, le plus
important est de «mettre en commun les droits
télévisuels. De cette façon, nous pourrons devenir
plus forts, en travaillant sur le point d’accès
à notre sport pour les fans». Même si les gains de
l’ATP ont quintuplé en trente ans, l’avenir du jeu
semble incertain. Beaucoup craignent qu’après la
retraite imminente de Federer, Nadal et Djokovic,
dont les affrontements dantesques ont constitué
la locomotive du sport depuis plus de dix ans,
le tennis ne perde de son attrait. D’abord auprès
des spectateurs, dont la moyenne d’âge ne fait
qu’augmenter, ensuite auprès des sponsors.
D’où le besoin de changements profonds.
« ON NE VIENT PAS VOIR UN GARS S’ESSUYER »
Nouveau comptage des points, plus de temps de
jeu, plus de suspense: voilà ce que propose
l’entraîneur de Serena Williams. Les deux
tournois de l’Ultimate Tennis Showdown
(UTS) qu’il a organisés dans son académie
de Sophia-Antipolis ont été un véritable
succès auprès des joueurs. «L’UTS a
revu le format en se fondant non sur
le point de vue du tennisman, mais
sur celui du fan», affirme Patrick
Mouratoglou, pour qui le tennis a
du mal à suivre les évolutions de la
société. «L’offre est complètement
décalée par rapport à la manière
contemporaine de consommer des
gens, qui préfèrent des formats de plus
en plus courts. Or le tennis est non
seulement un format potentiellement long,
mais aussi extrêmement lent dans son action.
Le jeu effectif représente entre le 8 et 15% du temps
de diffusion, pendant les autres 85%, on voit des
gens faire des routines, marcher, il ne se passe
absolument rien», constate-t-il. Pour Jo-Wilfried
Tsonga, le jeu pourrait s’accélérer: «Yannick
(Noah) avait dit qu’aller chercher la serviette entre
chaque point, ce n’est pas possible, on ne vient pas
regarder un match de tennis pour voir un gars
s’essuyer.» Nicolas Lamperin observe que si les
plus jeunes peinent à suivre un match de cinq
sets sur cinq heures à la télévision, «ils ont un
téléphone portable ou une tablette en permanence
entre les mains et ils veulent voir des “highlights”,
des vidéos courtes et les partager entre eux».
L’initiative de l’UTS est aussi née d’un autre
constat: le jeu actuel est trop stéréotypé et policé.
Francesca Schiavone, vainqueur de Roland-
Garros il y a dix ans, dont les émotions affichées
comme la versatilité du jeu ont fait le bonheur
des spectateurs du Central, regrette le temps où
«il y avait Amélie, Graf, Sabatini, Navratilova; on
observait alors beaucoup de diversité». À l’heure
actuelle, on déplore à l’inverse une certaine
uniformité. Elle veut rester optimiste, toutefois:
«Viendront toujours ces deux ou trois joueuses qui
introduiront un tennis légèrement différent,
poussant les autres à s’améliorer. Une joueuse de
la prochaine génération viendra, je la trouverai et
l’enverrai à Paris.» On l’attend avec impatience.
d’évoluer et les instances elles-mêmes se sont
modernisées. L’ATP et la WTA ont suspendu une
journée du tournoi de Cincinnati – délocalisé à
New York pour raisons sanitaires – pour
protester contre l’injustice raciale aux États-
Unis, après les tirs policiers dans le dos de Jacob
Blake. Cette décision historique marque un
changement de mentalité. L’initiative, lancée par
la joueuse Naomi Osaka, nouvelle star de la
discipline, montre que l’impact du mouvement
Black Lives Matter s’étend jusque sur les courts,
qui ne peuvent ignorer les bruits du monde.
BESOIN DE CHANGEMENTS STRUCTURELS
Une volonté partagée de préserver l’aura du
tennis a fait émerger, ou réémerger, durant la
crise sanitaire, un certain nombre d’idées.
Notamment: une fusion des circuits
ATP et WTA. Micky Lawler,
présidente de la WTA, estime
que «la pression du Covid
est une opportunité pour
essayer d’éviter tout ce
qui est duplication,
travailler
vraiment
Prouesses sportives
et personnalités
attachantes
(ci-dessous: Roger
Federer et Francesca
Schiavone) suffiront-
elles à séduire
un nouveau public?
Plus d’infos sur lesechos.fr/weekend
Les négociations
de la Fédération
française de tennis
avec le gouvernement
avaient abouti
à une jauge de 11500
personnes réparties
sur trois zones
distinctes du site
de la porte d’Auteuil.
Le tournoi ne pourra
finalement,
au vu de la situation
sanitaire, accueillir
que 5000 personnes
par jour: celles
détentrices de billets
pour le court
Philippe-Chatrier
et qui auront accès
à tous les autres
courts sur l’ensemble
du site.
Le village sera ouvert
avec une capacité
d’accueil réduite:
les 14 espaces
partenaires
accueilleront
24 convives
(au lieu des 50
habituellement).
ROLAND-GARROS 2020,
MILLÉSIME RÉDUIT
DANSL’ULTIMATE
TENNISSHOWDOWN,
LESMATCHSSONT
PLUSCOURTSET
SANSTEMPSMORTS.
6. LES ECHOS WEEK-END – 39
ROLAND-GARROS BUSINESS STORY
Êtes-vous satisfait des mesures prises pour
garantir la santé des joueurs sur l’ATP Tour?
Il faut attendre et voir comment ça se passe. Je
pense que tout le monde essaye de faire au
mieux pour que le circuit puisse continuer dans
les conditions les plus sûres. Les personnes en
charge font un très bon travail, sous pression
et dans des circonstances difficiles où il est
parfois compliqué de prédire ce qui va
passer d’une semaine sur l’autre.
Vous avez appelé à l’unité après la
création d’un syndicat «dissident»
par Novak Djokovic. Pouvez-vous
nous préciser ce que vous en
pensez?
Je me suis toujours battu
pendant ma carrière afin
d’obtenir des choses pour les
joueurs. Je suis sur le circuit
depuis 2003 et croyez-moi, au
cours de ces dix-sept années,
nous n’avons jamais été dans une
meilleure position
qu’aujourd’hui. Oui, nous
pouvons demander plus, nous
battre pour obtenir davantage
de poids au sein de l’ATP. Mais
c’est compliqué de mettre
d’accord 100% des joueurs. Tout
le monde a des idées différentes
et je pense que ce n’est pas le bon
moment de créer des scissions,
c’est le moment de travailler
ensemble pour le futur proche car
nous vivons grâce aux fans, aux
droits télé, aux sponsors. Si les fans
ne sont pas autorisés à se rendre aux
tournois, ceux-ci auront des
rentrées financières moindres et
les joueurs auront du mal à
obtenir les mêmes gains. Donc
il s’agit de se serrer les coudes,
d’essayer de trouver des
solutions pour que les tournois
restent pérennes, faute de quoi
nous sommes sans emploi.
Quel est votre meilleur
souvenir à Roland-Garros?
J’en ai tellement. Peut-être la
victoire en 2017, c’était très spécial,
mon dixième titre. Mais
honnêtement j’ai apprécié toutes ces
années et pas seulement sur le court.
J’ai beaucoup d’amis à la fédération
française, parmi les gens qui travaillent sur
le tournoi. Je m’y sens un peu à la maison. Je
ressens le soutien de la foule, des gens sur place.
C’est quelque chose de difficile à décrire mais
quand vous jouez et que vous recevez ce soutien,
vous vous sentez bien.
Les conditions vont être un peu différentes
cette année…
Tout le monde va être affecté par ces
circonstances inédites. Cette période va être un
test. On va voir comment les choses évoluent
dans les prochaines semaines. Je dois garder
l’attitude la plus positive possible sachant que
revenir sur le circuit n’est jamais facile au début.
Il faut que j’accepte ce défi et que je n’aurai pas
forcément les meilleures sensations de jeu. Mais
avec la bonne attitude… J’ai déjà fait tellement de
come-back après de longues périodes sans jouer!
Vous avez coaché avec succès Roger Federer à la
Laver Cup. Seriez-vous intéressé par un rôle
d’entraîneur dans le futur?
Pourquoi pas. J’ai une académie et j’aime y
donner des conseils aux jeunes joueurs et aux
entraîneurs, donc je me vois bien aider ces
jeunes dans le futur.
Vous êtes très impliqué dans la communauté
avec votre fondation, l’argent que vous avez
récolté pour la Croix-Rouge avec le basketteur
Pau Gasol, ou l’aide que vous avez apportée
lors des inondations à Majorque. D’où vous
viennent ces valeurs de solidarité?
Pour moi, c’est quelque chose de complètement
naturel. Je pense que j’ai eu beaucoup de chance
dans ma vie, donc d’une manière ou d’une autre
je me dois de redonner. J’ai créé notre fondation
il y a dix ans et nous travaillons dur pour donner
des opportunités aux jeunes, en particulier aux
enfants. Contre le risque d’exclusion sociale,
nous avons différents projets, en Espagne et en
Inde. Le monde est parfois injuste, donc j’essaie
juste d’aider comme je peux. Quand vous voyez
les progrès de certains enfants dont le destin
était probablement de traîner dans la rue, que
vous créez un environnement où ils peuvent
pratiquer un sport, étudier, dans un cadre
serein… Nous essayons de leur donner une
chance d’être de meilleures personnes et de les
préparer pour l’avenir. Difficile de trouver
quelque chose qui rende plus heureux que ça.
Propos recueillis par Anna Bonalume
et Alexandre Choiselat
Plus d’infos sur lesechos.fr/weekend
RAFAEL NADAL
« IL FAUT SE SERRER LES COUDES POUR
QUE LES TOURNOIS RESTENT PÉRENNES »
Le champion espagnol,
qui n’a pas participé
à l’US Open, est revenu
sur le circuit au tournoi
de Rome, qui a débuté
le 12 septembre.
Prisonnier VIP de l’hôtel
où il était obligé de
résider pour raison
sanitaire, il nous a parlé
par écran interposé deux
jours plus tôt. Et nous
a expliqué comment il
envisage Roland-Garros.