« La webradiophonie journalistique : les grandes radios ont du retard mais elles se soignent ! », Radiography, 25 septembre 2013, http://radiography.hypotheses.org/793
Le benevolat d entreprises sociales une nouvelle forme de benevolat condition...
La webradiophonie journalistique : les grandes radios ont du retard mais elles se soignent !
1. La webradiophonie journalistique :
les grandes radios ont du retard mais
elles se soignent !
Sebastien Poulain
« La webradiophonie journalistique : les grandes radios ont du retard mais elles se soignent ! »,
Radiography, 25 septembre 2013, http://radiography.hypotheses.org/793
La webradiophonie journalistique :
les grandes radios ont du retard mais elles se soignent !
Compte-rendu de la conférence-débat « Quel avenir pour la radio face au web ? » du 9 juillet
2013 au CFPJ Lab
Sebastien Poulain
Doctorant au laboratoire MICA, Université Bordeaux 3
Sebastien.Poulain@Gmail.Com
Le mardi 9 juillet 2013, de 9h à 11h avait lieu une conférence-débat intitulée « Quel avenir pour
la radio face au web ? » au CFPJ Lab (Centre de Formation et de Perfectionnement des
Journalistes) qui se veut être un « incubateur d’idées, un lieu de rencontres et d’échanges autour
2. des innovations du web ». Les représentants des principales radios françaises étaient présents
au débat animé par Carole Caumont (Responsable du département audiovisuel au CFPJ, ex-
TF1 et ex-France 2). Ils se sont exprimés par couple (d’abord Radio France, puis Europe 1, puis
RTL) avant de laisser place à la discussion avec le public. Il s’agit ici de reprendre les
principales idées qui ont pu être exprimées1.
Radio France : les chantiers permanents de la créativité et de la technologie mais dans la
cohérence
Joël Ronez (directeur des nouveaux médias à Radio France et directeur du Mouv', ex-Arte
France et ex-consultant) remet en cause immédiatement l’intitulé de la matinée. Il n’y a pas de
confrontation ou de clivage entre la radio et le web, mais le Web est un train qui n’a pas été pris
au « bon moment ». Il a aujourd’hui 3 utilités principales pour les radios :
- l’enrichissement des programmes de la radio classique,
- la distribution sur tous les devices (dispositifs),
- de nouveaux contenus inédits (Le cahier des charges de Radio France oblige à la création de
contenus originaux, à l’image de la fiction web.).
Cela demande une réflexion permanente sur de nombreux chantiers prioritaires :
- le son,
- l’image,
- l’information,
- le mobile,
- la musique…
La difficulté provient du fait que 7 sites internet principaux (pour 6 chaînes nationales et 44
antennes locales) existent à Radio France avec des équipes dédiées, voire des rédactions
(exemple à France Info). Or, il faut de la cohérence et rechercher un référentiel commun avec
l’ensemble des radios pour simplifier l’écoute des auditeurs.
Une autre nouveauté modifie le fonctionnement de Radio France (des journalistes et leurs
équipes) celle de l’arrivée récente de 4 types de vidéo sur les sites internet de Radio France :
- vidéos « de studio » (de plus en plus du flux),
- vidéos de reportages (complément, illustration par smartphone),
- captations de concerts (environ 1000 par an),
- webdocumentaires.
Pour faire avancer les chantiers, Radio France a doublé ses équipes en 2 ans pour atteindre 140
personnes en 2013.
Pour en savoir plus, il est possible de suivre le site internet NVX2 de Radio France sous-titré
« les nouveaux médias à Radio France » qui permet d’être au courant de toutes les évolutions
dans ce domaine grâce à un pole numérique de 5 personnes.
1 Voici un compte-rendu audiovisuel effectué par le CFPJ : http://lab.cfpj.com/quel-avenir-pour-la-radio-face-au-
web-compte-rendu-de-la-20e-edition-du-cfpj-lab/
2 http://nvx.radiofrance.fr/
3. Estelle Cognacq (rédactrice en chef adjointe de franceinfo.fr, ex-chef d’édition à Europe1.fr)
explique que son site est « en redressement ». Il comporte une quinzaine de journalistes pour
effectuer une convergence web et radio avec la spécificité de France Info qui est :
- de n’avoir que de l’info et des chroniques (pas d’émission et peu de gens à l’antenne),
- d’avoir le « même état d’esprit que le web » (l’instantanéité et l’information).
Des journalistes ayant une formation radiophonique se mettent donc au web pour suivre le tour
de France, effectuer des reportages en Afrique.... Le métier de technicien évolue. Il devient
producteur de contenus via des vidéos et des photos issues de son smartphone et est formé au
montage. Il y a plus d’interactions et de dialogues entre les journalistes et les auditeurs via
twitter le midi et le soir. Par ailleurs, le webdoc se développe en partenariat avec d’autres médias
publics (Arte, FTV).
Europe 1 : Le succès du divertissement via le podcast et de la politique grâce aux réseaux
sociaux
Laurent Guimier (directeur de l’information numérique d’Europe 1, ex-Le Figaro) soulève un
problème de « matière secondaire ». Les journalistes radiophoniques ne savent pas écrire pour
le web alors que nous sommes entrés dans l’ère du « reverse broadcasting » où le contenu
produit dans le web vient enrichir la radio traditionnelle. C’est le troisième âge de la relation
entre le web et la radio :
- 1) rediffusion de contenus radio sur le web,
- 2) enrichissement de la radio via les réseaux sociaux,
- 3) contenus spécifiques du web.
Un exemple de la logique d’intégration existe à travers le Lab d’Europe 1 qui est un site internet
politique qui « se nourrit » sur les réseaux sociaux. Au bout d’un an et demi d’existence, il sera
à l’origine d’une chronique cet été et sera valorisé à l’antenne à la rentrée.
Christophe Israël (chef d’édition en charge des contenus vidéo d’Europe 1, ex-pigiste chez
Newsweb / Lejdd.fr / Parismatch.com) souligne le fait qu’il y a une seule rédaction pour la radio
et le web et que le site internet est un portail d’information où sont « combinés » information
et divertissement, à l’image du travail de Nicolas Canteloup. Le trafic sur le mobile, est, quant
à lui, en train d’exploser et de rejoindre le niveau d’audience sur le site internet. Une part
importante du flux se dirige vers les podcasts qui ont un double avantage :
- être mis en ligne 3 minutes après leur diffusion,
- être un produit « propre » car sans publicité.
Ainsi, 9 millions de podcasts sont téléchargés chaque mois au niveau mondial. Ils semblent
même être écoutés (9/10ème) en entier selon les études et contrairement à un préjugé qui
voudraient que les auditeurs soient abonnés à de nombreux podcasts mais ne les écouteraient
pas ou pas en entier ! La vidéo a fait aussi sont entrée à Europe 1 (8h de contenu en direct par
jour) même si ce n’est pas du goût des imitateurs, ni forcément des invités (artistes et politiques)
qui se sentent obligés de venir bien habillés et maquillés depuis 1 an ! Pour Christophe Israël,
le web a beaucoup d’avantages :
4. - donner des références à des ouvrages,
- valoriser des archives,
- créer des liens vers d’autres médias,
- produire des émissions cross medias,
- développer des webdocs,
- disséminer pour être vu à l’extérieur : Dailymotion, Facebook, Tweeter…
Au final, ça fait un player à 60 000-80 000 auditeurs par jour avec une durée d’écoute de 70
minutes mais la monétisation a pris du retard. Il faut mieux valoriser l'audience des videos
auprès des annonceurs.
RTL : la stratégie de la synergie communautaire et de la refondation numérique
Les deux intervenants de RTL ont été recrutés il y a 6 mois pour développer les équipes et
mener une réflexion stratégique sur 5 axes principaux selon Thomas Karolak (directeur
éditorial RTL.net, ex-TF1 et ex-Vivendi) :
- le direct,
- l’image,
- les informations,
- le social,
- le multi-écran.
Thomas Karolak pense que la radio française n’a pas tant de retard si on la compare avec ce qui
existe au niveau européen et mondial. Il souligne aussi les différences entre RTL, Fun radio et
RTL2 qui appartiennent au même groupe mais ont des identités très différentes. Le web crée
une révolution permanente de tous les médias.
Antoine Daccord (rédacteur en chef de RTL pour l’information numérique et responsable de
la rédaction numérique, ex-Le Figaro, ex-Le Monde, ex-Libération) rappelle que la vidéo live
de RTL a débuté seulement le 29 avril 2013, et Fun Radio s’y est mis depuis. C’est un grand
changement pour la maison RTL. Deux projets ont été mis en place et ont permis de valider des
pistes :
- le projet alerte (gestion des alertes),
- le projet flash (information en temps réel sur tous les supports).
Des expériences de live enrichi ont eu lieu sur Fun Radio et RTL2 avec une timeline enrichie
au fil de l’événement mélangeant de l’éditorial et du communautaire (le communautaire étant
en pleine expansion). Il s’agissait, par exemple, du « Social day » sur Fun Radio. La synergie
entre l’antenne, les auditeurs et web ont permis la multiplication par cinq de l’audience sur le
site internet. Les objectifs numériques à moyen terme pour le groupe RTL sont de plusieurs
types :
- renouveler le site web qui est en en bout de course,
- enrichir des contenus sans nuire à la clarté de l’offre,
- travailler l’unicité de la marque (moins hétéroclite),
- innover davantage,
- améliorer la monétisation (trouver un modèle économique),
5. - conduire le changement avec une stratégie de digitalisation.
Questions du public :
Question d’un journaliste du Monde : Que regardent les gens sur vos sites ?
Réponse de Radio France : Les internautes écoutent plutôt qu’ils ne regardent. Le but est donc
pour Radio France est de rechercher les gens qui n’écoutent pas la radio, comme la presse écrite
a pu le faire à l’instar de LeMonde.fr. En effet, la population de la radio vieillit tandis que Itunes
et Pandora sont davantage prescriptifs que la radio. Il faut accentuer les contenus pour le web.
Réponse de Europe 1 : Internet permet de voir les statistiques en temps réel ce qui permet de
voir que le pic d’audience est à 8h43 au moment de l’intervention de Nicolas Canteloup. La
carte de chaleur du site internet qui permet de savoir où les internautes cliquent le plus montre
que Nicolas Canteloup continue à générer le plus de visites sur le site même quand il est en
vacances ! Par ailleurs, les auditeurs aiment voir les coulisses de la radio : tout ce qui se passe
autour du micro. Une des pages les plus visitées du site internet est la page webcam de la radio
alors qu’elles ne sont pas visibles sur le net. Les gens viennent chercher sur les sites internet
des radios ce qu’ils s’attendent à trouver. Les radios doivent donc apprendre à rendre possible
la serendipité des auditeurs.
Question d’un journaliste en formation au CFPJ : Comment gérer les contributeurs non
journalistes ?
Réponse de Radio France : La radio a toujours été mobile et interactive, à l’instar du courrier
de Ménie Grégoire. Les gens témoignent et participent à la matière des programmes. Joël Ronez
ne croit pas plus à la notion de journaliste-citoyen qu’à celle de dentiste-citoyen. Il faut un statut
pour faire ce métier Le journaliste est un pro. Il y a des conditions de travail, un corpus de
déontologie et de contenu. Tout le monde n’a pas de carte de presse (à l’instar des
chroniqueurs), mais il faut une structure productrice d’informations pour transformer du brut
en journalisme. On n’échappe pas aux contraintes de la presse écrite qui conduit à créer des
« fermes de blogs ». Les blogs qui marchent sont ceux des journalistes car ils savent écrire et
intéresser. La bonne nouvelle est que Radio France va continuer à embaucher mais la mauvaise
nouvelle est que ce ne seront pas des journalistes mais des gens du marketing car la bataille va
se gagner là-dessus selon Joël Ronez.
Réponse de Europe 1 : Laurent Ruquier dispose d’une communauté d’auditeurs dont certains
n’écoutent jamais la radio, ne savent pas quelle radio ils écoutent et découvrent Europe 1 par le
podcast. Par ailleurs, la participation et la collaboration aux productions journalistiques existent
depuis longtemps.
Question de Marianne Rigaux (journaliste webdoceuse fondatrice des rendez-vous Diapéro) :
Quelle place du diaporama sonore, et plus généralement de la photo par rapport au son dans
l’univers de la radio ?
Réponse de Radio France : Le diaporama sonore est idéal pour illustrer un reportage sonore
car rapide, simple, léger à faire et à regarder. Sur les sites de Radio France, on peut voir
plusieurs exemples de diaporamas sonores qui ont pu être développés grâce à un outil interne
(après des essais d’autres technologies qui ont fait perdre du temps) :
6. - sur FranceInfo.fr : de courts sujets montés avec Soundslides, en complément d’un reportage
radio+texte (mais qui pourraient être indépendants), comme celui sur la tempête Xynthia3.
Franceinfo.fr a aussi développé une collection de diaporamas sonores intitulée « Visite
virtuelle »4 où un journaliste et un photographe visitent un lieu avec un conservateur. Le
diaporama sonore est réalisé avec le logiciel de montage vidéo Vegas puis diffusé sur le site
web du lieu visité, qui relaie également sur ses réseaux sociaux ce qui garantit par exemple 20
à 25 000 visites pour la page Facebook du musée du Louvre du fait de son million de fans.
Franceinfo.fr a encore pour projet de produire un diaporama sonore quotidien avec les
informations marquantes de la journée.
- sur FranceCulture.fr : des sujets plus longs, intégrés dans le player vidéo, comme un film-
photographique de 11 minutes, en complément d’un documentaire sur le peuple Kichwa de
Sarayaku5.
- sur FranceInter.fr : une galerie d’images sonorisée et interactive6, réalisée avec un outil
développé en interne, en complément de l’émission hebdomadaire (samedi de 9h10 à 10h)
d’Aurélie Charon et Caroline Gillet « Nouveau monde ».
Réponse de Europe 1 : Le son seul ne fonctionne pas. Les internautes cliquent davantage
quand il y a une image ou une vidéo. Donc le but est de montrer ce qui est fait à la radio. Mais
les journalistes n’étant pas techniciens, il faut que l’outil, qui est primordial, reste simple, souple
et maniable et adapter l’édition au sujet (nombres de photos, qualité du son…).
Question d’Elodie Vialle (rédactrice en chef de Youphil7) : Comment répondre aux
résistances des journalistes qui craignent de tout faire?
Réponse de Radio France : Radio France demande plus de travail aux personnes qui vont sur
le terrain. Il faut travailler avec pragmatisme et confiance, et s’adapter en fonction des
circonstances. Les journalistes doivent, pour cela, avoir :
- un intérêt,
- une envie,
- des conditions de travail,
- une formation,
- des équipements.
Le problème dans le journalisme est qu’il n’y a pas d’horaire. Certains gèrent un sujet par jour,
d’autres 4 ou 5. Ce qui compte, c’est d’avoir un contenu de qualité au final. Il faut donc s’en
donner les moyens. Les journalistes de Radio France ont l’habitude de mutualiser leur travail
et d’intervenir sur les différentes antennes. Mais sur le terrain, le journaliste ne peut pas faire 3
métiers en même temps, donc il faut prévoir de doublonner les effectifs.
Réponse de RTL : RTL n’a pas les moyens d’avoir des doublons comme cela peut être possible
sur certains sujets à Radio France. Il y a différents métiers qui gravitent autour de la production
3 http://www.franceinfo.fr/justice/tempete-xynthia-l-instruction-est-bouclee-proces-en-2014-949787-2013-04-12
4 http://www.dailymotion.com/video/x11cgc1_visite-virtuelle-chateau-de-champs-sur-
marne_news?search_algo=2#.UeiFAI2ppNx
5 http://www.franceculture.fr/emission-sur-les-docks-en-equateur-13-%C2%AB-le-peuple-kichwa-de-sarayaku-
le-peuple-du-midi-%C2%BB-2013-06-25
6 http://www.franceinter.fr/emission-welcome-nouveau-monde-numero-2-entrer-dans-le-xxieme-siecle
7 http://www.youphil.com/fr
7. de contenus avec différentes compétences (journalistes et autres): Il faut parvenir à faire
travailler tout le monde ensemble.
Conclusion
Le colloque « Information et journalisme radiophonique à l’ère du numérique » qui sera
organisé par le GRER à Strasbourg les 20 et 21 mars 20148 dans la continuité réflexive du
colloque GRER « Vers la Post Radio. Enjeux des mutations des objets et formes
radiophoniques » des 26, 27 et 28 novembre 20099 est très attendu car le journalisme
radiophonique est clairement en train de changer :
- les conditions matérielles, humaines, économiques, temporelles, techniques, spatiales de
travail des journalistes et de leurs équipes évoluent,
- les journalistes et leurs équipes deviennent multifonctionnels,
- les rédactions d’abord segmentées par support (double rédaction) sont passées au modèle de
la newsroom multimédias qui dessert tous les supports,
- les trajectoires professionnelles des journalistes deviennent intermédiatiques,
- l’écriture radiophonique en général et l’écriture journalistique en particulier devient
multimédiatique (photos, vidéos, textes),
- il y a des changements dans le management, la gestion des ressources humaines et des
compétences, donc des craintes sur la masse salariale, donc des résistances au changement
(Voici une réaction en direct du SNJ de Radio France sur Twitter aux propos de Joël Ronez :
« Bonne nouvelle on va continuer à embaucher Mauvaise nouvelle pas des journalistes mais
des gens du marketing »),
- il y a de nouvelles exigences et critères dans le recrutement des journalistes,
- il y a de nouvelles attentes des employeurs envers les écoles de formations de journalistes que
ce soit au niveau de la formation initiale ou de la formation continue…
8 http://radiography.hypotheses.org/461
9 http://www.histoiredesmedias.com/Colloque,2321.html