Engager une action en justice afin d'obtenir un paiement monétaire nécessite une certaine diligence quant au montant du litige : le montant que les demandeurs cherchent à recouvrer déterminera s'ils doivent d'abord recourir à un mode alternatif de résolution des conflits
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1. Créances pécuniaires et ADR en droit
français
Quand faut-il tenter un règlement extrajudiciaire avant d'émettre une
créance ?
Engager une action en justice afin d'obtenir un paiement monétaire nécessite une certaine diligence
quant au montant du litige : le montant que les demandeurs cherchent à recouvrer déterminera s'ils
doivent d'abord recourir à un mode alternatif de résolution des conflits (MARC).
De la mission générale du juge de concilier les parties énoncée dans les principes généraux de la
procédure civile française, à l'introduction de mesures telles que la conciliation, la médiation et la
procédure participative dans le Code de procédure civile français (CPCC) en 2010, les MARC se sont
inscrits au fil des années dans l'ADN de la procédure civile française.
En 2015, une obligation générale de justifier les démarches entreprises pour régler un litige à
l'amiable avant d'émettre toute créance pécuniaire a été introduite pour la première fois dans le
CPCC.
En 2016, une obligation spécifique [souligné par l'auteur] a été fixée en ce qui concerne les petites
créances, obligeant le demandeur à essayer des mesures ADR prédéfinies avant d'engager une action
en justice pour éviter de voir son affaire radiée.
Ces deux obligations ont coexisté jusqu'à la réforme de la procédure civile de 2019 Suite à cette
réforme, le recours préalable aux ADR a été limité aux petites créances.
Cette approche restrictive posée par la réforme de la procédure civile de 2019 signe la suppression
de l'obligation de justifier les démarches entreprises pour parvenir à une solution amiable pour
toutes les autres créances pécuniaires. À partir du 1er janvier 2020, le règlement à l'amiable est une
condition préalable dans certaines petites créances.
Devant le Tribunal Judiciaire, il est obligatoire de tenter un ADR lorsque la valeur de la créance ne
dépasse pas 5 000 €. Pour exercer le recours ADR, le demandeur doit suivre deux étapes. Avant
d'entamer une procédure, le futur requérant doit mettre en œuvre un mode spécifique d'ADR.
Le demandeur doit, à son choix, proposer au défendeur une procédure de conciliation, de médiation
ou de participation. Le non-respect de cette exigence peut entraîner la radiation de l'affaire à la
demande du défendeur ou à l'initiative du juge.
Toutefois, le demandeur peut contourner la phase ADR dans l'un de ces quatre cas exceptionnels : si
l'une des parties au moins demande l'homologation d'un accord par le tribunal ; si l'ADR est déjà
imposé à l'auteur de la décision ;
S’il existe un motif légitime (tel qu'une urgence manifeste, des circonstances rendant impossible la
tentative d'ADR ou exigeant un jugement en référé, ou l'indisponibilité des conciliateurs de justice
entraînant l'organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif
au regard de la nature et de l'enjeu du litige) ; ou
Si un juge ou une autorité administrative doit, en vertu d'une disposition particulière, procéder à une
tentative préalable de conciliation. Lorsqu'il remplit le formulaire de créance, le demandeur doit
2. indiquer les mesures prises pour parvenir à un règlement extrajudiciaire lorsqu'il y a obligation de le
faire.
Lorsqu'une disposition légale prévoit qu'une créance " doit " être précédée d'une procédure de
conciliation, de médiation ou de participation, le demandeur doit indiquer dans le formulaire de
créance les démarches entreprises pour résoudre le litige à l'amiable ou les raisons pour lesquelles il
a contourné la phase ADR.
Le défaut d'indication de ces tentatives d'ADR est sanctionné par la nullité du formulaire de créance.
En substance, son remplissage sera rayé.
Avant cette réforme, les juges rejetaient systématiquement les demandes de nullité du formulaire de
créance formées sur la base de l'ancien article 56 du CPCC au motif que la sanction ne s'appliquait
qu'aux formalités substantielles " énumérées aux sections 1 à 4 de l'article 56 ", qui n'incluaient pas
les tentatives d'ADR.
En revanche, le nouvel article 54 du CPCC a inscrit l'indication des tentatives d'ADR comme une
formalité substantielle. La sanction de nullité prévue à l'article 54 révisé du CPCC devrait en principe
s'appliquer au défaut de mention des tentatives d'ADR par le demandeur lorsque le montant de la
créance ne dépasse pas 5 000 €.
Si le demandeur ne tente pas d'ADR, l'affaire sera radiée et une nouvelle créance devra être émise
après être passée par une conciliation, une médiation ou une procédure participative.
Toutefois, si le demandeur a tenté un ADR, qu'il n'a pas réussi à trouver un accord à l'amiable et qu'il
a simplement oublié de mentionner ces tentatives dans le formulaire de créance, le tribunal
autorisera le demandeur à modifier son dépôt.
Il est fortement conseillé de conserver un enregistrement adéquat de l'offre d'entrer dans un ADR
envoyée au défendeur comme preuve de la tentative du demandeur de régler à l'amiable.
Approche non contraignante de l'ADR : de la jurisprudence à la confirmation légale
L'ancien article 56 du CPCC prévoyait que, à moins qu'elle ne soit justifiée par un motif légitime lié à
l'urgence de la question en cause, notamment lorsqu'elle concerne l'ordre public, la créance devait
préciser les mesures prises pour régler à l'amiable.
Avant la réforme de 2019, cette disposition s'appliquait à toute affaire émise devant n'importe quelle
juridiction. Elle avait donc une application générale. Toutefois, le demandeur était libre d'utiliser
toutes les méthodes de règlement extrajudiciaire des litiges.
Ainsi, on pouvait relever la formule classique consistant à indiquer sur le formulaire de créance que
le demandeur avait préalablement et vainement mis en demeure le défendeur de se conformer à ses
obligations ou à indiquer que les parties n'avaient pu parvenir à un accord après divers échanges.
Selon l'ancien article 56 du CPCC, le non-respect de l'obligation de mentionner les tentatives d'ADR
était sanctionné par la nullité du formulaire de créance. Avant les réformes, dans certains cas, les
défendeurs demandaient la radiation d'une créance lorsque le demandeur avait omis de mentionner
les tentatives d'ADR dans le formulaire de demande.
Toutefois, les juges ont rejeté ces demandes au motif que l'indication des tentatives d'ADR ne
constituait pas une formalité substantielle ou d'ordre public, de sorte que le non-respect de cette
exigence n'était ni une cause de nullité ni une cause de radiation.
3. Ainsi, l'obligation de justifier des diligences accomplies pour parvenir à une transaction
extrajudiciaire était dépourvue de toute sanction réelle avant le 1er janvier 2020.
Par ailleurs, il apparaît que l'article 54 (5°) révisé du CPPF limite la référence aux tentatives d'ADR aux
petites créances visées à l'article 750-1 du même code. Cette formulation, qui est plus restrictive que
celle de l'ancien article 56, suggère que les affaires qui dépassent 5.000 € et/ou qui ne relèvent pas
de la compétence du tribunal judiciaire sont exemptées de l'obligation de tenter un ADR.
Ainsi, les réformes statutaires ont confirmé la position du tribunal quant à la nature non
contraignante des tentatives d'ADR.
La suspension de la procédure : une invitation à tenter un ADR avant une action en
justice
Avant l'entrée en vigueur des réformes de la procédure civile de 2019, lorsque les parties n'avaient
pas utilisé d'ADR et que le juge estimait que l'affaire se prêtait à un ADR, le juge s'appuyait
généralement sur l'article 127 du CPCC pour proposer aux parties d'entamer une conciliation ou une
médiation.
Cependant, on peut se demander si le juge peut toujours ordonner une conciliation ou une
médiation sur la base de l'article 127 du CPCC. L'article 127 fait toujours référence aux tentatives
d'ADR, telles qu'elles sont définies à l'article 56 du CPFVP.
En outre, les articles 54 et 750-1 du CPCC excluent de l'ADR obligatoire les créances qui dépassent 5
000 € ou qui ne sont pas émises devant le tribunal judiciaire. Par conséquent, la seule possibilité pour
le juge d'ordonner une conciliation est sa mission générale de conciliation des parties telle
qu'énoncée dans le principe primordial.
L'ADR obligatoire par le biais d'une clause de conciliation
Les parties peuvent stipuler dans leur contrat qu'une conciliation doit précéder toute action en
justice pour obliger l'autre partie à tenter un ADR. La Cour de cassation a toujours affirmé qu'une
action en justice ne peut être engagée sans tentative de conciliation, ni régularisée par la conclusion
d'une conciliation en cours d'instance.
En conclusion, si les parties ne sont plus tenues de justifier des tentatives de recherche d'une
solution amiable lorsque le montant du litige dépasse 5.000 €, il ne fait aucun doute qu'une action
introduite sans discussion pourra être suspendue par le juge pour organiser une conciliation, s'il
estime que les circonstances se prêtent à des négociations extrajudiciaires.
Par ailleurs, les tribunaux français vont être surchargés dans les mois à venir, en essayant de
rattraper le retard qui remonte à 2019 (lui-même causé par les grèves de 2019 et début 2020) et,
bien sûr, après la quarantaine due à la pandémie de Covid-19.
Le règlement extrajudiciaire des litiges pourrait maintenant être la meilleure solution, si le défendeur
est prêt à entamer des négociations de bonne foi.