Confrontés à une conjoncture socio-économique fluctuante, les jeunes générations en butte à la précarité ne semblent pas trouver de remèdes efficaces dans les idées portées par les partis politiques traditionnels. Si bien que les fervents défenseurs des démocraties occidentales (où le vote n’est pas obligatoire) s’inquiètent...
2. 2
INTRODUCTION
UNE GENERATION ABSTENTIONNISTE
Le désamour du politique
Le mal-inscrit, une incongruité démocratique
Les élections victimes de la précarité
DES POUVOIRS PUBLICS DEPASSES
Le sexe et l’humour comme outils d’incitation
La culpabilisation comme dernier recours
La méthode pédagogique pour les plus jeunes
…MAIS UNE GENERATION POLITISEE
Des citoyens 2.0
Les réseaux sociaux tissent leur toile
Les civic tech en marche
Des citoyens tout-terrain
PLUTOT DROITE OU GAUCHE ?
A tribord toute !
Un électorat plus partagé qu’il n’y paraît
3
4
5
7
8
9
9
11
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13
14
16
17
19
21
22
I.
a)
b)
c)
II.
a)
b)
c)
III.
a)
1)
2)
b)
IV.
a)
b)
SOMMAIRE
3. 3
onfrontés à une conjoncture socio-économique fluctuante, les
jeunes générations en butte à la précarité ne semblent pas trouver
de remèdes efficaces dans les idées portées par les partis politiques
traditionnels. Si bien que les fervents défenseurs des démocraties
occidentales (où le vote n’est pas obligatoire) s’inquiètent à juste titre de leur
désengagement total et par conséquent à terme d’un recul significatif des
devoirs civiques et des droits démocratiques qui leur incombent.
Entre une offre politique décevante et l’image d’une classe politique plus
qu’écornée, la France est devenue « une démocratie de l’abstention ».
Même les campagnes d’incitation au vote menées par les pouvoirs publics et
certaines associations à l’égard des plus jeunes ne parviennent pas à
endiguer ce phénomène. Pathologie sociale, acte militant ou simple
désintérêt, l’abstention témoigne d’une fracture aussi bien politique que
sociale.
Pourtant, malgré une désertification des bureaux de vote, notamment aux
élections locales, les 18-34 ans restent relativement politisés et participent
activement aux débats publics. Si leur engagement ne se traduit pas
directement dans les urnes, il s’exprime à travers d’autres modes d’actions
et d’autres usages.
Cette nouvelle génération, « génération 2.0 », entend révolutionner et
moderniser la démocratie en reconnectant les élus aux citoyens grâce au
numérique. L’émergence des civic tech, outils permettant d’accroitre le
pouvoir des citoyens et d’améliorer le système politique, conjuguées aux
succès des médias participatifs ouvrent certainement la voie d’une
réconciliation entre la jeune génération et la participation électorale ou du
moins la « chose » publique.
C
INTRODUCTION
4. 4
epuis les années 1990, la participation aux différents scrutins ne
cesse de diminuer, à tel point que certains se demandent si
l’abstention ne serait pas le premier parti de la jeunesse de France.
L’élection européenne se hisse en tête des scrutins les moins suivis par les
18-34 ans. En 2014, les 18-24 ans n’étaient que 24% à voter au premier tour.
En 2015, les élections départementales et régionales peinent à faire mieux
(respectivement 32,5% et 34,5% de taux de participation des 18-34 ans
1 Etude Audirep « Les jeunes et l’engagement politique » pour l’Association de la fondation étudiante pour la ville (Afev) en
partenariat avec la Fondation BNP Paribas réalisée du 16 au 20 Décembre 2013, par téléphone auprès d’un échantillon national
de 500 jeunes représentatif de la population française âgée de 15 à 30 ans (RP INSEE 2010).
réunis). Les élections municipales de 2014 et législatives de 2012 ne
franchissent pas la barre symbolique des 50% de participation
(respectivement 48% et 43%). L’élection présidentielle reste singulière
puisqu’elle mobilise massivement la jeunesse. Le taux de participation atteint
74% en 2012 et 71,5% en 2017.
Il est important de rappeler que l’abstention des jeunes n’est pas un
phénomène récent. En pleine phase de transition entre l’adolescence et l’âge
adulte, le jeune apprend à se construire une identité citoyenne. C’est une
étape charnière où s’acquièrent les premiers codes susceptibles de mieux
appréhender les enjeux de la vie démocratique. Loin derrière la famille, les
études, les amis ou encore le travail, la politique ne fait pas partie de ses
préoccupations principales (Etude « Les jeunes et l’engagement politique1
»).
En outre, les jeunes affrontent l’entrée sur le marché du travail et se
confrontent donc aux inégalités liées aux diplômes. Ces fractures sociales les
conduisent à expérimenter la vie politique différemment.
Pourtant, nombreux sont ceux qui à 18 ans votent pour la première fois. Cet
acte symbolique matérialise pour beaucoup une sorte de passage à l’âge
adulte. 58% déclarent d’ailleurs avoir été émus lors de leur premier vote et
D
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27,5
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Européennes2009
Régionales2010
Présidentielle
2012
Législatives2012
M
unicipales2014
Européennes2014
Départem
entales…
Régionales2015
Présidentielle
2017
Législatives2017
Taux d'abstention des 18-24 ans
et des 25-34 ans au 1er tour
des dernières élections françaises en %
18-24 ans 25-34 ans
Sources : INSEE, OpinionWay et Ipsos
I. UNE GENERATION ABSTENTIONNISTE
5. 5
77% estiment que c’était un moment important de leur vie. Ils associent leur
première fois à un sentiment de fierté, de bonheur et d’excitation (Etude «
Les Jeunes et le Vote2
»). Mais cette action citoyenne ne s’inscrit pas dans la
pérennité. Anne Muxel, directrice de recherches en science politique au
Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF), qualifie ce
phénomène de « moratoire civique » des années de jeunesse : « Après le
premier vote, les jeunes se désinvestissent de la politique et se consacrent à
leurs études, à leur installation professionnelle ou à la construction d’une vie
conjugale. » Jean-Yves Dormagen, professeur de sciences politique, ajoute :
« A 18 ans, on vote généralement pour sa première élection, c’est un
marqueur du passage à l’âge adulte. Puis on note une forte intermittence de
la participation chez les jeunes jusqu’à 35-40 ans. C’est lié à la politisation,
qui tend à augmenter avec l’âge car on se politise dans la vie active. »
Le « moratoire civique » ne permet pas cependant à lui seul d’expliquer les
taux élevés d’abstention chez les jeunes.
2 Etude Civic Planet « Les Jeunes et le Vote » pour l’Association Nationale des Conseils d’Enfants et de Jeunes (Anacej) réalisée en
mars et mai 2014 auprès d’échantillons de jeunes Français âgés respectivement de 15 à 17 ans (972) et de 18 à 25 ans (1002).
a) LE DESAMOUR DU POLITIQUE
La classe politique française pâtit aujourd’hui d’une représentation négative.
L’image de l’homme politique illégitime, incapable et malhonnête est plus
que jamais ancrée dans l’inconscient collectif. Ses valeurs et son engagement
sont régulièrement remis en question. L’expression « tous pourris »
véhiculée à dessein par une partie de l’électorat traduit l’exaspération des
français face à des politiciens toujours plus avides de pouvoirs et de
privilèges. De ce point de vue le sondage « Les français et les partis
politiques3
» réalisé en juin 2015 est particulièrement évocateur : neuf
français sur dix admettent avoir une mauvaise opinion des partis politiques,
94% perçoivent les partis comme non crédibles, 93% comme malhonnêtes et
91% les considèrent incapables de proposer des solutions efficaces. Les
scandales à répétition (affaires Cahuzac, Guéant, Sarkozy, Fillon, etc.) ont
indéniablement participé à la « diabolisation » de l’homme politique.
Confronté à ce désamour, ce dernier semble bien démuni et peine à redorer
son blason.
Cette crise de confiance qui touche toute la population française semble
néanmoins plus marquée chez les jeunes. Davantage critique, cynique et
exigeant, le jeune tient l’homme et la femme politique responsables de la
3 Enquête Odoxa « Les Français et les partis politiques » pour Le Parisien et Aujourd’hui en France réalisée le 14 juin 2015 sur un
échantillon de 1 011 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.
6. 6
faible participation. D’après l’étude « Les Jeunes et le Vote4
», les mensonges,
le désintérêt des politiques à leur égard et la malhonnêteté sont les trois
causes majeures de l’abstention. Les jeunes prônent un retour à l’éthique
politique. Les trois principales qualités recherchées chez un président sont
l’honnêteté, la carrure et le bon sens devant l’expérience, le travail et le
charisme. Ainsi, bien que le jeune s’intéresse et suive l’actualité politique, il
dénonce une offre politique décevante. Les barrières idéologiques entre les
partis traditionnels de droite et de gauche sont régulièrement remises en
question, de sorte que ces partis peinent à se distinguer auprès des plus
jeunes. Telle est en l’espèce l’analyse qui transparait à travers l’étude « Les
jeunes et l’engagement politique5
» de 2013 : 29% des 18-24 ans et 38% des
25-30 ans admettent ne se retrouver dans aucun parti politique traditionnel.
Ce constat révèle un sentiment d’impuissance, cristallisé par les échecs
successifs des politiques publiques. Comme le souligne l’étude « Des jeunes
investis dans la vie de la cité6
» de janvier 2015, seulement 1/3 des jeunes
estiment qu’ils peuvent changer les choses à l’échelon local, ¼ au niveau
national et 14% au niveau international. Les différentes appellations comme
« génération sacrifiée » », ou plus récemment « génération Bataclan »
illustrent parfaitement à la fois la manière dont les jeunes se perçoivent et la
4 Etude Civic Planet « Les Jeunes et le Vote » pour l’Association Nationale des Conseils d’Enfants et de Jeunes (Anacej) réalisée en
mars et mai 2014 auprès d’échantillons de jeunes Français âgés respectivement de 15 à 17 ans (972) et de 18 à 25 ans (1 002).
5 Etude Audirep « Les jeunes et l’engagement politique » pour l’Association de la fondation étudiante pour la ville (Afev) en
partenariat avec la Fondation BNP Paribas réalisée du 16 au 20 Décembre 2013, par téléphone auprès d’un échantillon national
de 500 jeunes représentatif de la population française âgée de 15 à 30 ans (RP INSEE 2010).
façon dont la population les considère, à savoir une génération précaire et
sans avenir.
L’enquête « Les Jeunes et le Vote7
» met par ailleurs en exergue l’image
négative que les jeunes portent au fonctionnement de la démocratie et des
institutions françaises. Les 18-25 ans attribuent la note de 4.9/10, moins de
la moyenne, à la démocratie française et 4.7/10 à la démocratie dans l’Union
européenne. Selon les sondés, les régimes américains et surtout allemands
incarnent nettement mieux la démocratie (étude réalisée avant l’élection de
Donald Trump à la présidentielle américaine). L’Assemblée Nationale et le
Parlement Européen jouissent également d’une côte de confiance négative.
Ce désaveu à l’endroit de la classe politique, des institutions et de la
démocratie nuit donc de manière considérable à la participation. Pourtant,
l’étude révèle que l’abstention varie en fonction des scrutins. Lorsque la
classe politique parvient à cibler des sujets et des problématiques
correspondant à leurs intérêts politiques, le jeune peut voter autant, voire
plus que les autres catégories d’âge. Les élections présidentielles illustrent
bien cette idée : l’offre politique apparait plus clivante, ce qui favorise la
participation des 18-34ans.
6 Enquête du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc) « Des jeunes investis dans la vie de
la cité » pour l’Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP) réalisée entre décembre 2014 et janvier 2015,
auprès d’un échantillon représentatif de 2 000 personnes, âgées de 18 ans et plus.
7 Etude Civic Planet « Les Jeunes et le Vote » pour l’Association Nationale des Conseils d’Enfants et de Jeunes (Anacej) réalisée en
mars et mai 2014 auprès d’échantillons de jeunes Français âgés respectivement de 15 à 17 ans (972) et de 18 à 25 ans (1 002).
7. 7
Ce sentiment d’inaction des pouvoirs publics s’expliquerait en partie par un
déficit de communication. En effet, si l’on se réfère à l’étude « Les jeunes et
l’élection présidentielle de 2017 à un an du scrutin8
», il semblerait que les
actions menées par les gouvernements Ayrault et Valls en faveur de la
jeunesse aient souffert d’un cruel manque de notoriété auprès de ladite
cible. 40% des 18-25 ans admettent n’avoir jamais entendu parler de la
création de contrats d’avenir et de génération. Plus édifiant encore, près de
60% reconnaissent ne pas connaitre la politique « Priorité Jeunesse » initiée
par le Comité Interministériel de la Jeunesse (CIJ) en 2013. Ils sont près de
80% à désavouer François Hollande sur sa politique en faveur de la jeunesse
mais paradoxalement jugent toutes ses mesures utiles.
Ce déficit de communication qui renforce le sentiment d’inaction du
gouvernement nuit indéniablement à la participation. Une majorité de
jeunes réclame une meilleure communication politique, davantage adaptée
à leur profil (Etude « Les jeunes et l’engagement politique9
»). D’autant que
49% des 18-34 ans estiment que le vote est le meilleur moyen de « se faire
entendre », derrière une utilisation active des réseaux sociaux à 30% (Etude
« Jeunes, solidarité et Présidentielles10
»).
8 Etude Ifop « Les jeunes et l’élection présidentielle de 2017 à un an du scrutin » pour l’Association Nationale des Conseils
d’Enfants et de Jeunes (Anacej) réalisée en avril 2016 auprès d’un échantillon de 1 202 personnes, représentatif de la population
française âgée de 18 à 25 ans.
9 Etude Audirep « Les jeunes et l’engagement politique » pour l’Association de la fondation étudiante pour la ville (Afev) en
partenariat avec la Fondation BNP Paribas réalisée du 16 au 20 Décembre 2013, par téléphone auprès d’un échantillon national
de 500 jeunes représentatif de la population française âgée de 15 à 30 ans (RP INSEE 2010).
b) LE MAL-INSCRIT, UNE INCONGRUITE DEMOCRATIQUE
La faible participation des 18-30 ans s’explique également par le taux élevé
de mal-inscrits aux listes électorales alors que l’inscription reste une
condition sine qua non pour se rendre aux urnes. Pourtant, depuis une loi11
de Lionel Jospin de 1997, tous les Français âgés au minimum de 18 ans sont
10 Etude Harris Interactive « Jeunes, solidarité et Présidentielle » pour Printemps Solidaire réalisée du 13 au 17 mars 2017 auprès
d’un échantillon de 1 020 personnes représentatif des Français âgés de 18 à 35 ans.
11 Loi n°97-1027 du 10 novembre 1997 relative à l’inscription d’office des personnes âgées de 18 ans sur les listes électorales,
publiée le 11 novembre 1997 dans le Journal officiel de la République française n°262.
16
20
42
60
52
24
35
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76
65
La généralisation du service public régional
d'orientation
Le plan de promotion de l'entrepreneuriat
La mise en place de la "garantie jeune"
(équivalent du RSA pour les 16-25 ans)
La créationdes contrats d'avenir et des
contrats génération
Le plan de développement de l'apprentissage
La créationd'une grande école du numérique
La créationde deux nouveaux échelons pour
les bourses étudiantes
Notoriété des mesures s'inscrivant
dans le cadre de la politique "Priorité Jeunesse"
initiée par les gouvernements Ayrault et Valls
(Base : ensemble des 18-25 ans)
Connait Ne connait pas
8. 8
automatiquement inscrits sur les listes de leur mairie à l’occasion de la
Journée Défense et Citoyenneté (JDC).
Mais ce système semble faillible dès lors qu’un individu déménage.
L’inscription redevient une démarche personnelle et nombreux sont ceux qui
s’y soustraient. Une enquête de l’INSEE12
de 2012 montre que les personnes
nées entre 1975 et 1993 sont davantage touchées par cette pratique. Ce
phénomène s’explique notamment par la globalisation du marché du travail
et la relation étroite entre étude et mobilité. Les moins de 30 ans sont
nombreux à quitter la province pour emménager en Ile-de-France afin de
profiter d'un marché du travail plus attractif ou pour rejoindre une école
supérieure. Cette autre étude réalisée par l’INSEE13
en 2014 accrédite cette
forme de frilosité. 15% des jeunes de 18 à 24 ans de nationalité française
n’étaient pas inscrits sur les listes électorales. Le rapport reconnait que les
réinscriptions après déménagement sont limitées.
12 Enquête INSEE Première n°1411 parue le 06/09/2012 « L’inscription et la participation électorale en 2012 » avec l’appui du
Ministère de l’Intérieur réalisée en septembre 2012 auprès d’un échantillon de 300 000 électeurs potentiels.
13 Enquête INSEE Focus n°22 parue le 06/03/2015.
14 Enquête Ifop « Les jeunes, les élections régionales de 2015 et l’élection présidentielle de 2017 » pour l’Association Nationale des
Conseils d’Enfants et de Jeunes (Anacej) réalisée du 6 au 12 novembre 2015 auprès d’un échantillon de 1 506 personnes
représentatif de la population française âgée de 18 à 25 ans, dans le cadre de la campagne « Je vote » animée par Anacej.
c) LES ELECTIONS VICTIMES DE LA PRECARITE
L’exclusion sociale a tendance à renforcer l’abstention. Dans les milieux
touchés par le chômage de masse, la ghettoïsation, la pauvreté ou encore
l’échec scolaire, l’abstention bat des records.
A titre d’exemple, sur les 35% de votants aux élections régionales de
décembre 2015 chez les 18-30 ans, 38% des catégories socioprofessionnelles
supérieures (CSP+) et diplômées se sont déplacés contre 22% issus de
catégories socioprofessionnelles plus modestes, moins diplômées ou sans
emploi (Etude « Les jeunes, les élections régionales de 2015 et l’élection
présidentielle de 201714
»).
Ce constat suggère ainsi qu’un individu moins intégré socialement sera plus
susceptible de s’abstenir. Les jeunes, qui représentent une des catégories
d’âge les plus touchées par le chômage (24% chez les moins de 25 ans en
2016 d’après un rapport du Ministère du Travail15
) s’abstiennent davantage.
15 Rapport du Ministère du Travail « Demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi en janvier 2017 » élaboré en concertation avec
les syndicats par France Stratégie (rattaché à Matignon) et la Dares (le service des statistiques du ministère du Travail) publié le
24 février 2017.
9. 9
n France comme à l’étranger, les pouvoirs publics ne reculent devant
rien pour endiguer le phénomène de l’abstention notamment chez
les jeunes citoyens, au risque parfois de frôler le ridicule et de
véhiculer des idées réductrices.
a) LE SEXE ET L’HUMOUR COMME OUTIL D’INCITATION
En 2014, le parti Europe Écologie Les Verts mise sur l’humour dans sa
campagne pour inciter les jeunes à se rendre aux urnes à l’occasion des
élections européennes. L’inscription « Donnons vie à l’Europe » est apposée
sur une série de préservatifs. Pourtant beaucoup s’interrogent sur le sens de
cette démarche et notamment sur le contre-sens de ce comique de mots. En
2012, le parti écologiste avait déjà utilisé ce support de communication lors
de l’élection présidentielle en imprimant le slogan « Eva Joly, la candidate qui
protège » afin de mobiliser les jeunes électeurs. Si pour certains cette
campagne marque une révolution dans la stratégie de communication
politique car moins conventionnelle, pour d’autres elle ne fait que
transmettre une image biaisée de la jeunesse, à savoir que son moteur
d’engagement passerait inéluctablement par un de ses principaux centre
d’intérêts, la sexualité.
La campagne de la section iséroise des Jeunes Européens pour les
européennes de 2014 « Europe is sexy » surfe sur cette même idée en
publiant quotidiennement des contenus décalés à caractère sexiste sur leurs
réseaux sociaux. L’affiche inaugurale de la campagne montre une jeune
femme entourée de deux jeunes hommes allongés dans un lit et recouverts
d’un drapeau européen. Le slogan : « Choisis qui tu veux dans ton
parlement ». D’autres slogans controversés ont suivi comme « Fais briller ton
Europe ». Sur l’affiche : une jeune femme lave une voiture recouverte du
drapeau européen.
Ces mises en scène stéréotypées dépassent les frontières françaises. Pour
inciter les jeunes à se rendre aux urnes à l’occasion des élections
européennes de 2014, le Folketing, Parlement danois, a parié sur l’humour
E
II. DES POVOIRS PUBLICS DEPASSES
10. 10
décalé et la provocation en réalisant un film d’animation mettant en scène
un super-héros appelé Voteman. Ce dernier est chargé de traquer les
éventuels abstentionnistes. Le personnage hyper masculinisé et un tantinet
machiste, est entouré de son harem de femmes lorsque dans un éclair de
lucidité il décide de se lancer dans la traque aux abstentionnistes. Il déclare
« Quand il y a des élections européennes, il y a un homme dont vous avez
besoin, c’est Voteman ! » ce qui suggère qu’une figure masculine sera
toujours plus légitime à résoudre un problème. Jugée violente et sexiste, la
vidéo a été retirée en moins de 24h mais a été visionnée malgré tout plus de
200 000 fois.
Si de nombreuses campagnes utilisent le sexe comme outil de
communication à tort, quelques publicités, l’ont cette fois, exploité à bon
escient à l’image du clip vidéo de l’organisation américaine « Rock The Vote »
mettant en scène la chanteuse Madona en 1991. Madona, vêtue d’une tenue
provocante, tente d’inciter les jeunes à voter par le biais d’une musique aux
paroles tendancieuses (« La liberté d’expression est aussi bonne que le
sexe »). La chanteuse conclut la chanson par « Si tu ne vas pas voter, tu auras
une fessée ! ». Ce clip fait une corrélation entre l’émancipation des femmes
à travers leur liberté sexuelle et le vote. Cette association, qui entend
motiver les jeunes américains à voter, à s’engager politiquement et à
défendre des causes comme le féminisme, utilise la théorie de la
communication à double étage développée par Paul Lazarsfeld et Elihu Katz
en 1955 pour parvenir à ses fins. Des leaders d’opinions tels que Leonardo
DiCaprio, Beyoncé ou Kendal Jenner
rappellent l’importance du vote à travers
des clips-vidéos diffusés à l’échelle
nationale. En février 2016, le mannequin
Kendall Jenner, suivie par près de 49
millions d’abonnés sur Instagram, se mue
en Rosie the Riveter, icône de la culture
américaine et symbole féministe afin
d’inciter les jeunes et notamment les
femmes à voter aux élections présidentielles de 2016.
L’association canadienne Regroupement Action-Jeunesse 02 (RAJ-02) a,
quant à elle, déjà lancé plusieurs campagnes de sensibilisation au vote. En
2012, la campagne vidéo « Moi j’vote, et toi ? » (mini-séries en forme de
dessins animés) visait à inciter les jeunes à jouer le jeu de la pression sociale,
c’est-à-dire en convainquant leurs amis d’aller voter. L’ensemble des vidéos
a été visionnée plus de 40 000 fois.
Le gouvernement français, à l’initiative de l’ex Premier Ministre Jean-Marc
Ayrault, a lancé la campagne #OuiJeVote en 2014 pour inciter les jeunes à
11. 11
accomplir leur devoir citoyen à l’occasion des élections municipales.
Campagne réutilisée lors des européennes de 2014, départementales et
régionales de 2015. Le Ministère de l’Intérieur a parodié l’émission télévisée
The Voice en tweetant « Il y a ceux qui donnent de la voix et ceux qui peuvent
au moins la faire entendre #TheVoice » ou encore « La plus belle voix, c’est
forcément la vôtre ! ».
Cependant, en dépit d’un dispositif pluri-médias d’envergure, cette
campagne n’est pas parvenue à inverser la courbe de l’abstention.
b) LA CULPABILISATION COMME DERNIER RECOURS
La culpabilisation est une tendance très prisée des campagnes d’incitation
et de sensibilisation au vote. Objectif : responsabiliser l’électeur en
provoquant une prise de conscience de son devoir civique.
Cette stratégie a été appliquée dans une campagne réalisée à la veille de
l’élection présidentielle de 2012 par l'association des agences-conseils en
communication (AACC) et le collectif Démocratie & Communication. Cette
campagne met l’accent sur un sentiment de culpabilisation à travers son
slogan « M'abstenir ne m'a pas permis de m'exprimer davantage.
L'abstention n'aura pas ma voix » ou encore « Moi je suis trop jeune pour
voter. Et toi ? T'es trop quoi ? ».
Plus moralisatrice encore, la campagne #VoterEstUneChance lancée par
l’association SOS Racisme en partenariat avec d’autres organisations et
syndicats joue la carte de la culpabilité pour inciter les jeunes français à se
rendre aux urnes pour l’élection présidentielle et les élections législatives
2017. Une dizaine de témoignages de jeunes ressortissants issus de pays en
guerre ou dictatoriaux rappelant que le vote est une chance est diffusée sur
les réseaux sociaux. Kheena, une jeune afghane de 30 ans, avoue « Dans mon
pays, il est très compliqué pour une femme de voter. L'État, les gens mais aussi
votre propre famille font tout pour vous empêcher de vous exprimer. C'est
pour cela que je veux dire aux Français qu'ils doivent saisir la chance qu'ils ont
12. 12
et aller voter ce dimanche pour les législatives. » ou encore Yun, un réfugié
Coréen : « En Corée du Nord j'étais forcé de voter pour Kim Jong-Un. J'espère
que les Français penseront aux gens comme moi au moment de décider, ou
pas, d'aller voter. »
Pourtant en dépit des efforts des pouvoirs publics ou autres organisations,
les campagnes à destination de la jeunesse, souvent caricaturales, n’ont
obtenu qu’un succès relatif.
c) LA METHODE PEDAGOGIQUE POUR LES PLUS JEUNES
Le canton de Genève a lancé le concours CinéCivic « Le futur entre tes mains
» réservé aux 10-25 ans, domiciliés ou scolarisés dans l'un des 6 cantons
partenaires, dans le cadre duquel ils doivent réaliser un clip-vidéo ou une
affiche incitant à la participation. Les classes du primaire au secondaire
peuvent également participer, en réalisant un film de manière collective,
sous la direction d'un enseignant. Objectif : mobiliser la jeunesse à travers
une dimension artistique en les récompensant financièrement.
U18, pour Kinder und Jugendwahl U18, est un projet allemand d’éducation à
la citoyenneté destiné aux moins de 18 ans. L’idée : simuler une élection dans
les écoles allemandes quelques jours précédant le véritable scrutin. Cette
initiative permet de sensibiliser les adolescents aux enjeux d’une élection et
d’en comprendre les rouages.
L’Allemagne et la Suisse sont-elles sur la bonne voie en éduquant les
citoyens de demain ? Seule l’avenir nous le dira…
13. 13
njeu crucial en démocratie, l’engagement en politique renvoie les
jeunes générations à leurs contradictions. Bien que les jeunes
nourrissent une certaine défiance à l’égard des hommes politiques et
des institutions, ils ne sont pas pour autant dépolitisés comme l’indique le
tableau ci-dessous.
En 2013, 13% des 18-29 ans considèrent la politique comme très
« important » dans la vie contre 5% dans les années 1990 et 1999. 42% la
juge même assez importante en 2013 contre 25% en 1990. Sur cette même
16 Etude de l’Observatoire des Français de Sociovision – vague 2016, auprès d’un échantillon représentatif de 2 000 Français âgés
de 15 à 74 ans. Les données qualitatives reposent sur des enquêtes qualitatives sur les médias sociaux menées auprès de
Millennials entre septembre 2015 et janvier 2016.
année, seuls 27% des 18-29 ans estiment être assez intéressés contre 39%
en 2013. Cette progression très nette, en près d’une décennie, s’explique
notamment par l’émergence sur la toile du web 2.0 et des réseaux sociaux.
Plus avertis et mieux informés que leurs prédécesseurs, les jeunes se
politisent davantage.
a) DES CITOYENS 2.0
La multiplication des supports médiatiques a sensiblement contribué à cette
politisation. La télévision qui s’illustre comme le premier vecteur
d’information chez les jeunes est talonnée de près par le web 2.0 (internet et
réseaux sociaux). Représentant 69% de part d’audience, ce « web social »
participe indéniablement à la politisation du jeune. Très prisé par cet
électorat, ce média permet une participation active aux débats publics. Les
internautes ne sont plus des consommateurs passifs mais développent leur
propre usage. 19% des moins de 30 ans déclarent ainsi partager des
informations (articles, vidéos, etc.) politiques ou sociétales sur le net
plusieurs fois par semaine d’après l’Observatoire des Français de
Sociovision16
. Ce chiffre traduit un engouement évident de cette génération
pour les débats de société. Face à une presse écrite en difficulté, le web 2.0
constitue une véritable opportunité pour faire vivre une démocratie.
E
5 5
13 13
25 26
37
4238 35 34
2731 34
16 18
1990 1999 2008 2013
Importance de la politique dans
la vie chez les 18-29 ans*
Très important Assez Important Pas très important Pas important du tout
*Enquêtes de l’Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP) « Les jeunes et le vote » de janvier 2015
et Audirep « Les jeunes et l’engagement politique » de 2014.
III. …MAIS UNE GENERATION POLITISEE
14. 14
Si l’on en croit l’étude « Les jeunes et l’engagement politique17
» 79% suivent
l’actualité de la vie politique régulièrement via la télévision, 36% via la presse
en ligne, 33% via les réseaux sociaux, 32% via la radio, contre seulement 21%
à travers la presse écrite.
1) LES RESEAUX SOCIAUX TISSENT LEUR TOILE
Depuis les élections de Barack Obama et de Donald Trump à la présidentielle
américaine respectivement en 2008 et 2016, les réseaux sociaux sont
devenus des outils indispensables pour mener et remporter des campagnes
politiques, à telle enseigne que certains s’inquiétent de leur pouvoir
d’influence. Twitter et plus particulièrement Facebook ont été accusés de
manipuler leurs utilisateurs par la diffusion et le partage de fake news18
et
d’enfermer, via des algorythmes, les usagers dans des bulles cognitives19
.
L’utilisation des réseaux sociaux durant la campagne présidentielle française
de 2016-2017 a ainsi fait l’objet d’une attention particulière. Conscients de
leur influence, les candidats n’ont pas hésité à exploiter ces géants du web à
dessein.
Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise) et Marine Le Pen (Le Front
National) s’imposent sur Facebook et Twitter. Très actifs sur les réseaux
17 Etude Audirep « Les jeunes et l’engagement politique » pour l’Association de la fondation étudiante pour la ville (Afev) en
partenariat avec la Fondation BNP Paribas réalisée du 16 au 20 décembre 2013, par téléphone auprès d’un échantillon national de
500 jeunes représentatif de la population française âgée de 15 à 30 ans (RP INSEE 2010).
18 Expression popularisée par Donald Trump lors de la campagne présidentielle de 2016. Les fake news sont des informations
fausses ou truquées relayées sur les réseaux sociaux et par certains médias.
sociaux, les sympathisants de ces deux formations considèrent ces
plateformes comme les seuls canaux de communication crédibles et fiables
à l’inverse des médias traditionnels qu’ils considèrent adeptes du
politiquement correct et peu représentatifs de l’opinion générale. Jean-Luc
Mélenchon réaffirme cette pensée sur sa chaîne YouTube, qui réunit des
centaines de milliers d’abonnés et affiche 30 millions de vues (mai 2017) :
« Vous êtes 320 000 abonnés à cette chaîne, vous êtes ma liberté, le moyen
pour moi de m'exprimer sans être interrompu toutes les deux secondes, de
développer une pensée en plus de 140 signes » déclare-t-il au lendemain du
1er tour de l’élection présidentielle. Pour le leader frontiste, YouTube est un
espace d'expression unique et antisystème.
Les nouveautés : Emmanuel Macron est le premier candidat ayant fait de
« Facebook Live » une source unique d’information lors de son déplacement
à l’usine Whirpool. Les candidats ont également accepté de se prêter au jeu
des interviews décalées via les pages Facebook de Brut ou de Konbini (sites
d’actualités à destination des jeunes). Ils se sont également affichés sur
Snapchat, le réseau social préféré des étudiants derrière Facebook (étude
Diploemo20
) pour séduire les primo-votants. Benoit Hamon, Marine Le Pen,
Emmanuel Macron ou encore François Fillon se sont risqués à répondre à
19 Concept de filtrage menant à isolement intellectuel et culturel développé par le cyber-militantisme américain Eli Pariser dans
son essai The Filter Bubble paru en 2011.
20 Étude Diplomeo « Pratiques digitales – quelles sont les pratiques digitales des étudiants ? » réalisée du 11 au 24 janvier 2017
auprès d’un échantillon de 1 221 étudiants âgés de 17 à 27 ans.
15. 15
une série de questions des utilisateurs. L’occasion pour eux d’évoquer leur
programme et de renvoyer une image plus accessible.
Enfin, Jean-Luc Mélenchon a misé sur l’univers du gaming en lançant « Fiscal
Konbat », jeu en 2D. Le principe : dans la peau du leader de La France
Insoumise, le joueur affronte plusieurs adversaires fortunés (Christine
Lagarde, François Fillon, Nicolas Sarkozy ou encore Pierre Gattaz, le patron
du Medef, etc.) pour récupérer l’argent « volé ». L’utilisateur peut ensuite
partager son score sur les réseaux sociaux. Manuel Bompard, directeur de
campagne de Mélenchon y voit également « l’occasion de s’adresser à des
citoyens qui traditionnellement ne regarderont pas nos propositions, ne
consulteront pas forcément notre site internet, ne regarderont pas forcément
les émissions politiques et qui par cet objet, ce biais-là, pourront peut-être
s’intéresser à notre programme ». Tout a été mis en place pour convaincre le
joueur de s’engager en faveur du candidat. Sur la plateforme du jeu, l’équipe
de Mélenchon a intégré des liens pour renvoyer l’internaute vers le site de
campagne, le programme du candidat ou le simulateur d’impôts développé
par les militants de la France Insoumise.
21 Etude Diplomeo « Présidentielle 2017 – que pensent les lycéens et les étudiants ? » réalisée du 18 au 20 mars 2017 auprès d’un
échantillon de 2 684 lycéens âgés de 15 à 19 ans. L’autre partie a été réalisée auprès d’un échantillon représentatif de 3 056
étudiants âgés de 18 à 27 ans.
Mais quel candidat a le mieux investi ces médias participatifs ? Selon l’étude
« Présidentielle 2017 – que pensent les lycéens et les étudiants ?21
», les
étudiants ont principalement suivi Emmanuel Macron et Jean-Luc
Mélenchon (ex aequo à 31%), Benoit Hamon (25%), François Fillon (21%) et
Marine Le Pen (19%). Chez les lycéens, la tendance est légèrement
différente. Si Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon terminent toujours
en haut du classement (26% et 25% respectivement), Marine Le Pen se hisse
à la troisième place avec 25%, devant Benoit Hamon (22%) et François Fillon
(22%).
M. Le Pen
E. Macron
JL. Mélenchon
B. Hamon
F. Fillon
Popularité des principaux candidats à l'élection
présidentielle 2017 sur les réseaux sociaux
(mai 2017)
Likes Facebook Abonnés Twitter Abonnés YouTube Abonnés Instagram
16. 16
2) LES CIVIC TECH EN MARCHE
Les 18-24 ans aspirent à un renforcement de la démocratie directe et un plus
grand recours au référendum. 62% des moins de 30 ans le citent comme un
moyen efficace de réformer la France contre 57% pour les Français en
général (Observatoire des Français de Sociovision22
). L’émergence du
mouvement contestataire, Nuit Debout23
, rassemblant une partie de la
jeunesse en mars 2016, revendique d’ailleurs le droit de réinventer la
démocratie et de tendre vers une démocratie plus participative. L'intérêt
porté à ce mode d'action en particulier témoigne du désir des Millennials24
d'agir concrètement sur la société sans passer par la représentation
politique. Ils recherchent des engagements plus directs, plus efficaces, aux
résultats plus tangibles.
C’est la raison pour laquelle le concept de civic tech25
séduit de plus en plus
de jeunes. Ces nouveaux outils, qui prennent la forme d’applications
numériques ou de sites internet, entendent révolutionner la démocratie. Ils
permettent aux citoyens de prendre part à la prise de décision publique en
les rapprochant de tous les acteurs locaux, à savoir les collectivités, les
institutions et les associations.
22 Etude de l’Observatoire des Français de Sociovision – vague 2016, auprès d’un échantillon représentatif de 2000 Français âgés
de 15 à 74 ans. Les données qualitatives reposent sur des enquêtes qualitatives sur les médias sociaux menées auprès de
Millennials entre septembre 2015 et janvier 2016.
23 Mouvement social lancé le 31 mars 2016 qui propose de construire une « convergence des luttes ». Sa revendication initiale, le
refus de la loi travail, s'élargit à la contestation globale des institutions politiques et du système économique.
Les citoyens peuvent dès lors participer, en toute transparence, aux débats
publics tout en court-circuitant les médias ou les groupes de lobbyistes. Face
à une défiance généralisée, les civic tech s’imposent comme un moyen de
reconnecter les élus à leurs citoyens en évitant les intermédiaires
traditionnels.
Grâce à la civic tech Cap Collectif, plus de 20 000 internautes ont contribué
au projet de loi pour une République numérique, porté par Axelle Lemaire,
(l’ex) secrétaire d'État chargée du numérique par le biais d’une consultation
en ligne en 2016. Si cette initiative gouvernementale a été un véritable
succès, elle n’en reste pas moins exceptionnelle. C’est au niveau local que
les civic tech agissent de la manière la plus immédiate et probante. De
nombreuses collectivités ont d’ores et déjà fait le pari du numérique. La ville
de Nanterre, en région parisienne, s'est dotée du logiciel libre Democracy OS
pour consulter ses habitants. A Vernon, dans l’Eure, de nombreux habitants
ont téléchargé Fluicity, application qui permet d’informer sur les événements
proposés dans la ville, de répondre à des sondages, de signaler un dommage
de manière géolocalisée (trou dans la chaussée, fuite d'eau, etc.), et surtout
de formuler des doléances à leur mairie.
24 Millennials ou « génération Y » regroupe, en Occident, l'ensemble des personnes nées entre 1980 et l'an 2000.
25 La civic tech (abréviation de civic technology, ou technologie civique) est l’usage de la technologie dans le but de renforcer le
lien démocratique entre les citoyens et le gouvernement.
17. 17
Laure Lucchesi (Directrice d’Etalab) et Henri Verdier (Directeur
interministériel du numérique et du système d’information de l’État)
s’accordent à dire que « Jamais dans l’histoire on n’a assisté à une telle
créativité démocratique ni à un tel engagement citoyen grâce aux civic tech ».
Depuis la campagne présidentielle de 2016-2017, les exemples de civic tech
fleurissent partout dans l’hexagone.
La plate-forme Parlement & Citoyens, lancée en 2013, permet ainsi aux
députés et sénateurs d’associer les citoyens au travail législatif, en amont du
dépôt d’une proposition de loi. Le site Make.org entend, quant à lui, compiler
les opinions de centaines de milliers de Français afin de constituer un
véritable « lobby du peuple », obligeant la classe politique à évoquer les
sujets qui préoccupent réellement les citoyens.
Les partis politiques ont aussi flairé le bon filon en misant sur certains de ces
outils. Si Emmanuel Macron s’est offert les services de la start-up Liegey
Muller Pons durant la campagne présidentielle pour mieux cibler les attentes
des Français, Jean-Luc Mélenchon, François Fillon et Alain Juppé lui ont
préféré le logiciel américain NationBuilder permettant de gérer, entres
autres, leurs contacts militants. La start-up Voxe.org a, elle aussi, surfé sur la
26 Etude de l’Observatoire des Français de Sociovision – vague 2016, auprès d’un échantillon représentatif de 2 000 Français âgés
de 15 à 74 ans. Les données qualitatives reposent sur des enquêtes qualitatives sur les médias sociaux menées auprès de
Millennials entre septembre 2015 et janvier 2016.
vague du succès en réunissant plus de 2 millions d’utilisateurs sur son
comparateur de programmes politiques à l’occasion de la campagne.
Toutefois, les civic tech sont aujourd’hui utilisées en grande partie par des
jeunes diplômés, citadins et surtout politisés. L’enjeu est de démocratiser son
usage pour toucher toutes les générations et toutes les classes sociales.
b) DES CITOYENS TOUT-TERRAIN
Selon l’Observatoire des Français de Sociovision26
, les jeunes, tout aussi
sensibles aux grands débats de société que les autres générations, souhaitent
s’engager dans des activités d’intérêt général : 38% déclarent vouloir
s'investir dans l'éducation, 38% à vouloir le faire dans le domaine de la santé
et la même proportion à vouloir lutter contre la pauvreté. Ces chiffres sont
similaires à ceux mesurés dans le reste de la population. Ils obtiennent même
des scores plus élevés en ce qui concerne l'humanitaire : 26% souhaitent y
investir du temps contre 18% dans le reste de la population française. Le
domaine de la politique, quant à lui, répugne. Seulement 9% sont prêts à y
consacrer du temps. Autrement dit, la volonté d’engagement existe bien
mais elle ne se traduit pas par un engagement politique classique.
18. 18
La politisation du jeune se traduit notamment par sa participation active à la
vie politique. L’étude « Les jeunes et l’engagement politique27
» atteste de ce
constat. L’enquête souligne qu’à l’exception du vote, ces derniers préfèrent
s’investir dans des formes d’engagement politique non institués :
§ 80% suivent les actualités de la vie politique,
§ 49% ont déjà signé une pétition,
§ 28% ont participé à une manifestation,
§ 20% ont utilisé les réseaux sociaux pour relayer une campagne
militante,
§ 20% ont déjà fait grève,
§ 15% ont déjà contacté un élu,
§ 7% se sont investis dans un parti,
§ 5% seulement dans un syndicat.
Selon un rapport d’enquête « Les jeunes et le vote28
» de 2014, les 18-29 ans
ne sont pas absents de la vie publique, bien au contraire. Ils se préoccupent
des questions politiques liées au chômage ou à l’évolution de la société.
Génération en butte à la précarisation, les jeunes ont privilégié l’emploi et la
27 Etude Audirep « Les jeunes et l’engagement politique » pour l’Association de la fondation étudiante pour la ville (Afev) en
partenariat avec la Fondation BNP Paribas réalisée du 16 au 20 décembre 2013, par téléphone auprès d’un échantillon national de
500 jeunes représentatif de la population française âgée de 15 à 30 ans (RP INSEE 2010).
28 Etude Civic Planet « Les Jeunes et le Vote » pour l’Association Nationale des Conseils d’Enfants et de Jeunes (Anacej) réalisée en
mars et mai 2014 auprès d’échantillons de jeunes français âgés respectivement de 15 à 17 ans (au nombre de 972) et de 18 à 25
ans (1 002).
29 Enquête Ifop « Les jeunes, les élections régionales de 2015 et l’élection présidentielle de 2017 » pour l’Association Nationale des
Conseils d’Enfants et de Jeunes (Anacej) réalisée du 6 au 12 novembre 2015, auprès d’un échantillon de 1 506 personnes
représentatif de la population françaises âgée de 18 à 25 ans, dans le cadre de la campagne « Je vote » animée par Anacej.
formation (90%), le pouvoir d’achat (86%), l’éducation (86%) et la sécurité à
82% lors de la campagne pour les régionales 2015 si l’on en croit l’étude « Les
jeunes, les élections régionales de 2015 et l’élection présidentielle de
201729
».
La jeunesse s’est au demeurant fortement mobilisée lors des manifestations
du 11 janvier 2015 à l’occasion des attentats (première manifestation pour
la majorité d’entre eux). Le taux de participation à une manifestation des
moins de 30 ans après les attentats a ainsi bondi de 18%, chiffre de l’enquête
« Des jeunes investis dans la vie de la cité30
». Le mouvement Nuit Debout31
en 2016 atteste de ce constat : 8% des moins de 30 ans déclarent y avoir
participé, contre 4% des Français selon l’étude Sociovision32
.
A noter qu’à l’exception des autres scrutins, l’élection présidentielle reste
mobilisatrice : 74% des 18-34 ans ont voté au premier tour en 2012 et 71,5%
en 2017.
30 Enquête du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc) « Des jeunes investis dans la vie de
la cité » pour l’Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP) réalisée entre décembre 2014 et janvier 2015,
auprès d’un échantillon représentatif de 2 000 personnes, âgées de 18 ans et plus.
31 Mouvement social, lancé le 31 mars 2016, qui propose de construire une « convergence des luttes ». Sa revendication initiale,
le refus de la loi travail, s'élargit à la contestation globale des institutions politiques et du système économique.
32 Etude de l’Observatoire des Français de Sociovision – vague 2016, auprès d’un échantillon représentatif de 2 000 Français âgés
de 15 à 74 ans. Les données qualitatives reposent sur des enquêtes qualitatives sur les médias sociaux menées auprès de
Millennials entre septembre 2015 et janvier 2016.
19. 19
lus sensibles à l’actualité récente que les autres tranches d’âge, les
18-30 ans font leur choix dans la grande majorité des cas peu avant
le jour du vote, voire le jour même du scrutin, signe d’un choix moins
idéologique et moins partisan. A titre d’exemple, l’étude « Le comportement
électoral des 18-30 ans au 1er
tour des régionales33
» révèle que les attentats
terroristes de novembre 2015, le score hypothétique du Front National et la
COP21 ont sérieusement influencé et motivé leur choix de vote. Les attentats
ont ainsi influé sur le choix de vote de 24% des jeunes ayant exprimé un vote,
le score potentiel du FN sur le vote de 22% d’entre eux et enfin la COP21 sur
le vote de 17% d’entre eux. Ces résultats sont plus élevés que pour
l’ensemble des exprimés (respectivement +9, +4 et +10 points).
Traditionnellement porté à gauche, le jeune se « droitise » aujourd’hui. En
2013, l’enquête « Les jeunes et l’engagement politique34
» révélait que les
jeunes avaient plus tendance à voter à gauche : 27% contre 24% à droite. La
jeunesse reste un moment de la vie où la force d’indignation et la rébellion
sont davantage affirmées qu’à d’autres moments de l’existence. Les jeunes
33 Etude Harris Interactive « Le comportement électoral des 18-30 ans au 1er tour des régionales 2015 » pour 20 Minutes réalisée
en ligne le dimanche 6 décembre 2015 auprès d’un échantillon de 705 personnes âgées de 18 à 30 ans, issu d’un échantillon
représentatif de 4 024 Français âgés de 18 ans et plus.
34 Etude Audirep « Les jeunes et l’engagement politique » pour l’Association de la fondation étudiante pour la ville (Afev) en
partenariat avec la Fondation BNP Paribas réalisée du 16 au 20 Décembre 2013, par téléphone auprès d’un échantillon national
de 500 jeunes représentatifs de la population française âgés de 15 à 30 ans (RP INSEE 2010).
généralement plus « idéalistes » que les autres générations se reconnaissent
davantage dans les valeurs véhiculées par la gauche. Mais force est de
constater que depuis les attentats de 2015, les 18-25 ans se « droitisent »
davantage selon l’étude « Les jeunes, les élections régionales de 2015 et
l’élection présidentielle de 201735
». Si les élections de 2015 ont été marquées
par une forte « droitisation » de la jeunesse, il est important de souligner que
cette tendance s’enracine depuis quelques années.
35 Enquête Ifop « Les jeunes, les élections régionales de 2015 et l’élection présidentielle de 2017 » pour l’Association Nationale des
Conseils d’Enfants et de Jeunes (Anacej) réalisée du 6 au 12 novembre 2015 auprès d’un échantillon de 1 506 personnes,
représentatif de la population française âgée de 18 à 25 ans, dans le cadre de la campagne « Je vote » animée par Anacej.
P
IV. PLUTOT DROITE OU GAUCHE ?
21. 21
a) A TRIBORD TOUTE !
Marine Le Pen, candidate du Front National, réalise un de ses meilleurs
scores auprès des 25-34 ans avec 22% des voix à l’occasion du 1er
tour de
l’élection présidentielle de 2012. Elle est seulement devancée par le candidat
du Parti Socialiste, François Hollande (29%). Elle améliore sa performance
pour l’élection présidentielle de 2017 en recueillant 24% des suffrages chez
les 25-34 ans au 1er
tour et se classe en deuxième place (ex æquo avec Jean-
Luc Mélenchon) derrière le candidat centriste Emmanuel Macron. Aux
élections européennes de 2014, le Front National se hisse en tête des partis
préférés des 18-24 ans avec 28% des voix, suivi de l’Union pour un
Mouvement Populaire, l’UMP totalisant 16% des suffrages. Aux élections
départementales et régionales de 2015, le Front National se maintient aux
alentours de 30% de suffrage chez les 18-34 ans. A l’issue des élections
régionales de 2015, le parti d’extrême droite se hisse une fois de plus en tête
des partis préférés des 18-24 ans avec 35% de suffrages récoltés, suivi par les
Républicains, ex æquo avec Le Parti Socialiste.
L’étude « Les jeunes et l’élection présidentielle de 2017 à un an du scrutin36
»
réalisée en avril 2016 atteste de l’enracinement du Front National et des
partis de droite chez les jeunes électeurs. Marine Le Pen est la personnalité
36 Etude Ifop « Les jeunes et l’élection présidentielle de 2017 à un an du scrutin » pour l’Association Nationale des Conseils
d’Enfants et de Jeunes (Anacej) en avril 2016 auprès d’un échantillon de 1 202 personnes, représentatif de la population
française âgée de 18 à 25 ans.
préférée des 18-25 ans. Elle inciterait 36% des jeunes à voter à l’occasion des
élections présidentielles de 2017, suivi de Emmanuel Macron (34%), Nicolas
Sarkozy (32%) et Alain Juppé (32%).
Ce constat s’observe également dans les mouvements de jeunesse des partis
politiques. En 2015, le Mouvement des jeunes socialistes revendiquait 7 500
membres âgés de 18 à 30 ans, trois fois moins que le Front National de la
Jeunesse (FNJ) qui compterait 25 000 adhérents. Sur les réseaux sociaux,
nous constatons à la lecture du tableau ci-dessous que Les Jeunes du
Rassemblement National est le mouvement le plus suivi, c’est-à-dire qui
compte le plus de followers et d’abonnés. Il atteint près de 85 000 likes sur
Facebook et 20 000 followers sur Twitter en juin 2018. Très active sur les
réseaux sociaux, cette formation publie quotidiennement des contenus
chocs, stimulant ainsi le partage d’informations (création d’un effet dit viral).
Les Jeunes du Rassemblement National
Jeunes avec Macron
Les Jeunes Insoumis-es
Les Jeunes Socialistes
Jeunes Républicains
Popularité des mouvements politiques
de jeunesse sur les réseaux sociaux
(juin 2018)
Likes Facebook Abonnés Twitter
22. 22
En investissant massivement les réseaux sociaux et les médias alternatifs, les
partis extrémistes se prévalent de « ré-infomer » les citoyens et défient les
médias traditionnels jugés partisans. Ils parviennent ainsi à capter un public
séduit par les thèses conspirationnistes, voire complotistes. Ces partis sont
plus mobilisateurs que les partis traditionnels.
Bien que la percée du Front National chez les jeunes soit incontestable, il
semble primordial de rappeler qu’environ 38% des 25-30 ans ne se
reconnaissent dans aucun parti existant selon l’étude « Les jeunes et
l’engagement politique37
». Aujourd’hui, les jeunes électeurs sont moins
engagés. Le vote partisan fait moins d’adeptes. Sensible à l’actualité récente,
les jeunes adoptent plus facilement un comportement versatile. Ils semblent
particulièrement concernés par la volatilité électorale. L’étude « Le profil des
électeurs et les clefs du premier tour des élections régionales38
» réalisée à
l’occasion du premier tour des élections régionales 2015 ne dit pas autre
chose : 22% des 18-34 ans ont choisi leur candidat le jour du scrutin, seuls
10% ont toujours su pour qui ils voteraient. Enfin, bien que le Front National
soit de plus en plus apprécié par l’électorat jeune, l’enquête « Les jeunes
français et l'avenir de la politique39
» d’avril 2015 montre qu’une grande
37 Etude Audirep « Les jeunes et l’engagement politique » pour l’Association de la fondation étudiante pour la ville (Afev) en
partenariat avec la Fondation BNP Paribas réalisée du 16 au 20 décembre 2013, par téléphone auprès d’un échantillon national de
500 jeunes représentatif de la population française âgée de 15 à 30 ans (RP INSEE 2010).
majorité des 18-24 ans considère son programme comme dangereux pour la
France.
La bataille droite/gauche semble par conséquent loin d’être figée ! L’année
2016 est, en effet, marquée par le retour des idéaux de gauche radicale chez
la jeune génération.
b) UN ELECTORAT PLUS PARTAGE QU’IL N’Y PARAIT
Déçus du quinquennat Hollande, les jeunes initialement proches du parti
socialiste ont été séduits par la ligne eurosceptique et anti-libérale de Jean-
Luc Mélenchon, candidat de la France Insoumise à la présidentielle de 2017.
Il est arrivé largement en tête chez les 18-24 ans au 1er
tour avec 30% de leurs
voix, devant Marine Le Pen (21%) et Emmanuel Macron (18%). Il se
positionne en seconde place (ex aequo avec Marine Le Pen, candidate du
Front National) chez les 25-34 ans avec 24% des voix devancé par Emmanuel
Macron (28%). Selon Anne Muxel, directrice de recherches en science
politique au Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF), Jean-
Luc Mélenchon a su crédibiliser sa candidature sur l'honnêteté, l’intégrité
morale et politique auprès des jeunes électeurs. L’étude « Les Français et
38 Etude Ifop « Le profil des électeurs et les clefs du premier tour des élections régionales » pour Itélé, Paris Match, Sud Radio et
Fiducial réalisée le 6 décembre 2015 auprès d’un échantillon de 2904 personnes inscrites sur les listes électorales, représentatif
de la population française âgée de 18 ans et plus.
39 Etude OpinionWay « Les jeunes français et l'avenir de la politique » pour l’Institut Diderot réalisée en avril 2015 auprès d’un
échantillon de 1 065 jeunes, représentatif de la population française âgée de 18 à 24 ans.
23. 23
l’élection présidentielle40
» d’avril 2017 révèle par ailleurs qu’il est celui en qui
les 18-24 ans ont le plus confiance. Il arrive ainsi en tête sur les questions de
sécurité, d’éducation, de la réduction des inégalités et d’économie.
En outre, le mouvement Nuit Debout41
illustre également la tendance d’une
« re-gauchisation » de la jeunesse. En réaction au projet de loi de Myriam El
Khomri, (ex) Ministre du travail, visant à instituer de nouvelles libertés et de
nouvelles protections pour les entreprises et les actifs, de nombreux jeunes
français ont lancé ce mouvement réunissant une jeunesse sensible aux idées
anticapitalistes et souhaitant réinventer la démocratie. Bien que se
revendiquant apolitique, Nuit Debout aborde néanmoins les thèmes préférés
de l’extrême gauche, à commencer par le rejet du capitalisme, l’opposition à
l’état et la défense de la démocratie directe. Le politologue Thomas Guénolé
compare ce mouvement à Mai 68 et le qualifie de « mobilisation de jeunes et
d’étudiants, sans programme précis mais très politisés, arborant des slogans
antisystèmes de gauche ». A l’instar de la montée des partis d’extrême droite
chez les jeunes dans les démocraties occidentales, le mouvement Nuit
Debout a connu un succès retentissant en Europe (dont l’Espagne avec le
Mouvement des Indignés) et en Amérique du Nord (Mouvement Occupy aux
États-Unis).
40 Etude Elabe « Les Français et l’élection présidentielle » pour Radio Classique et l’Institut Montaigne réalisée le 6 avril 2017
auprès d’un échantillon de 1 004 personnes représentatif de la population française.
Le jeune prône un retour à l’éthique politique à travers les partis populistes
mais semble tiraillé entre des questions sociales et sécuritaires. Vincent
Tournier, enseignant-chercheur en sciences politique à l'Institut d'études
politiques de Grenoble confirme cette tendance : « Si on prend par exemple
le domaine des mœurs, notamment l'égalité hommes-femmes et
l'homosexualité, il serait plus juste de parler d'une ‘‘gauchisation’’. En
revanche, il est vrai que l'opinion et notamment celle des jeunes s'est durcie
ces dernières années sur l'immigration et la sécurité. On a même vu remonter
le soutien à la peine de mort. » Ce tiraillement s’est notamment traduit dans
les urnes par l’élection d’Emmanuel Macron à la présidentielle française.
L’engouement des jeunes pour ce candidat centriste s’explique en partie par
son habilité à proposer une offre synthétisant tous ces paradoxes. Il a su
capter à droite l’électorat « juppéiste » et à gauche l’électorat « hollandiste »
grâce à une ligne politique clairement pro-européenne libérale, sorte de
condensée des idées défendues par les deux grands partis traditionnels.
Néanmoins, bien que pour la première fois de son histoire un parti centriste
s’impose à la tête de l’état, le clivage gauche-droite semble avoir encore de
beaux jours devant lui.
41 Mouvement social lancé le 31 mars 2016 qui propose de construire une « convergence des luttes ». Le champ de sa revendication
initiale s’étend à la contestation globale des institutions politiques et du système économique.